war of hearts + romatria

La fête avait été belle, et la journée du lendemain reposante, bien qu’un brin lente et sans intérêt. Ils devaient rentrer le lendemain, mais, en fin de journée, Demetria eu la force de négocier un retour anticipé pour le soir même. Le regard sombre de son mari en guise de représailles, elle avait joué sur la fatigue des faux-semblants pour emprunter un portoloin en avance. Il avait accepté quand elle avait perdu toutes couleurs à l’idée de passer une nuit de plus sans voir Roman. Mais quand, entre ses lippes il avait sifflé, elle su qu’il savait parfaitement pourquoi elle retrouvait leur appartement. “Je ne te dis pas de lui passer le bonjour, n’est ce pas ?” Penaude, la tête vers le sol, elle s’était contenté de serrer sa main, et de le remercier d’un baiser sur la joue alors qu’il restait de marbre. Elle se rattrapera un autre jour. Dans l’attente, ses joues ont retrouvé leur douce couleur rosée, et en quelques instants, elle pliait déjà bagage pour retrouver la chaleur de son domicile, plus gris que la provence, mais où rien ne lui manquait.

Le portoloin l’avait déposé au coeur de sa chambre avec délicatesse. Même sans pouvoir, elle maîtrisait ce type de transport. Elle replace ses cheveux, vérifie dans le miroir son reflet, ressentant les mêmes émois qu’adolescente, les mêmes palpitations à l’idée de le retrouver. Parce qu’elle lui fait une surprise, et elle n’a pas autant anticipé une rencontre depuis longtemps. Silencieusement, elle sort du papier et une plume pour commencer à rédiger une lettre.

Lettre de Demetria à Roman a écrit:

Roman,

Peux-tu m’envoyer la paire de boucles d’oreille qui se trouve sur ma coiffeuse dans la chambre que tu préfères ?

J’en ai besoin pour accorder ma tenue et je les ai oubliées.

Pardonne moi du dérangement,

Demetria.

C'est moins tendre, moins intime que leurs derniers échanges. Mais elle ne veut pas se trahir et gâcher l'effet de surprise. Elle sait que son hibou n’aura pas un grand trajet lorsqu’elle le laisse s’envoler vers la fenêtre du dessus. Et elle décide d’attendre sur le bord du lit, lissant sa jupe bleu nuit, impossible ce matin là de se résigner à porter autre chose qu’une couleur qui lui rappelait ses yeux, même si celle ci était presque noire, comme l’encre dans ses yeux quand il frôlait la colère ou qu’il grimpait vers le désir. Ainsi, la teinte était familière, rassurante, enveloppante, contraste travaillé avec son chemisier aux dentelles travaillées. Elle voulait s’assurer d’être sous son meilleur jour pour leur retrouvailles après un week end loin de l’autre pour la première fois depuis deux mois. Emois d’enfants dans un corps d’adulte, les jambes qu’elle tend et détend signe de son angoisse passagère dans l’attente de retrouver son amant. La porte d’entrée se ferme délicatement, et les pas sont légers : il s’est empressé de répondre à sa demande, elle est touchée.

Et quand il pousse la porte, elle est plongée dans l’obscurité de la pièce. elle prononce un doux “Surprise !” Et s’empresse de se fondre dans ses bras. Ils ont une nuit seuls, c’est là son cadeau pour s’excuser de son absence. Et quand leurs lèvres se scellent, c’est encore la même explosion familière, la tempête qui dévaste tout et qui transforme la frustration en un liquide ambrée, ils se retrouvent de façon naturel, dépendant l’un de l’autre, et leurs corps se muent pour être sûr que l’aimé est à nouveau à leur côté. Demetria passe ses mains dans les cheveux de Roman, passe sur la pointe de pied pour se rapprocher encore, sentir sa présence, son odeur, s’assurer qu’il ne lui en veut pas trop, pas encore. Ils ne se détachent pas beaucoup, suffisamment pour que son murmure soit une caresse à l’oreille du musicien. “J’espère que mon retour solitaire un peu avancé te fait plaisir.” Elle lui signifie ainsi que personne, pas un bruit, pas une âme ne viendra perturber leur quiétude mérité. Ils n’ont qu’à se retrouver dans l’intimité d’une vie, d’un couple presque classique, si ce n’est qu’ils restent cachés dans une chambre secondaire qui leur était tacitement dédié, sans droit de regard par Atilius. Ses yeux retrouvent enfin les prunelles qu’elle préfère, l’océan plus calme que la sombre couleur qui la recouvre, et enfin, elle se sent chez elle. Avec lui.

Allongé sur son lit, il regardait le plafond, fixement, caressant d'une main machinale Satie en boule sur son ventre. Son ronronnement régulier l'apaisait. Il comptait les heures, maintenant qu'il était de nouveau seul. Celles de la nuit. Puis les quelques du matin... le temps qu'elle se réinstalle, que son mari parte travailler. Passera-t-elle le saluer avant d'aller travailler? Il aime et ose croire que oui. Qu'il lui aura manqué au moins un peu. Une douzaine d'heure... une demie-journée, et pourtant une éternité. Il ne peut plus se passer d'elle aussi longtemps... il a l'impression de mourir à petit feu. Sans elle proche, sans l'idée qu'il pourra capter un regard, lui voler un baiser alors qu'il la croise dans le couloir après avoir débarassé la table, sans se soucier d'Atilius encore assis. Ou juste sans le fait de pouvoir apercevoir sa silhouette... rien n'a de sens. Respirer même devient futile. A-t-il mangé? Il ne se rappelle plus. Sans doute, quand il était à l'appartement des Slughorn, a prendre soin de leur enfant. Mais depuis? Il n'en sait rien. S'en moque, à vrai dire. Ses pensées errent. Il rêve... imagine. Une autre vie, un autre passé. Toutes sortes de futurs.

Un tapotement au carreau de sa fenêtre le tire de ce monde ou il se perds parfois. Un hibou. Il déloge Satie qui miaule en guise de protestation et ouvre la fenêtre. Le volatile lui tends sa missive et repart. Les mots de la main aimée parviennent tout juste à le faire sourire faiblement, pas assez tendres pour le sortir de l'océan de mélancolie ou il s'est plongé. Il est juste content qu'elle s'amuse. Il s'étire. Seul dans l'appartement, il n'a pas besoin de bien présenter. Alors il desce ds tel qu'il est, simple pantalon de toile, pied nus, torse nu. Il fait trop chaud dans sa mansarde pour une chemise. Il descends tranquillement. Si son Lys a besoin de ces bijoux rapidement, autant qu'il les envoie rapidement. Il ne supporterait pas qu'elle lui en veuille... et puis, elle se doit d'être resplendissante. Même si, si on lui demandait son envie, elle n'avait besoin ni de maquillage, ni de bijoux pour magnifier sa beauté. Elle se suffisait à elle-même : ses cheveux détachés et ses mains abîmées en guise de parure, cela suffisait amplement.

Il pousse la porte de sa chambre, "leur chambre", l'unique endroit ou il était censé pouvoir être lui-même avec sa reine. Un soupir. Cela n'a pas de sens sans elle. Et puis... sa voix. Une surprise... "Demetria!" Dans la pénombre, son sourire revient, tendre, alors qu'elle fonds dans ses bras. Leurs lèvres se rejoignent, et son coeur fait un bon. Comme à chaque fois, cette pensée : par tous les dieux vivants et morts, ce que j'aime cette femme! Elle se rapproche de lui et il l'enlace, la soulève, la fait tournoyer, son torse contre le sien, ses bras l'enveloppant. Il s'enivre de son odeur "Mon amour..." son coeur bat à toute vitesse alors qu'il se sent de nouveau entier. Il ne veut même pas imaginer le déchirement d'une absence plus longue. Ils ont eu 20 ans de séparation. Maintenant, il ne veut plus la quitter un instant. Son murmure entraîne un nouveau baiser. "Tu me combles. Je n'espérais pas tant." Seuls. Encore un peu et il pourrait s'imaginer qu'elle n'est rien qu'à lui. Peut-être... qu'il pourrait lui faire à manger, profiter d'un dîner aux chandelles. Il lui jouerait la sérénade... ils pourraient se blottir sur un canapé et juste regarder les étoiles... tant de choses affreusement, déseperamment romantiques qu'il rêve de faire pour elle, de vivre avec elle, sans toutefois oser le dire. Après tout... il était l'amant d'une femme mariée. Pas en position d'exiger. Tout juste de supplier.

Mais ce soir... ce soir pourrait être différent. Ce soir... il pourrait jouer à l'aimer au grand jour. Ça lui plaît. Il la repose au sol, embrasse son cou avec douceur. Il hésite encore un peu, puis se lance. "Tu... tu crois que je pourrais utiliser la cuisine? Je m'appliquerait à ce qu'il ne reste pas de place de mon passage." Préparer les plats qu'elle aime sans magie sera un défi... mais il se sent prêt à le relever.

Cette sensation d’être presque adolescente dès qu’elle pense à son regard, à son sourire, et qu’elle s’imagine retrouver ses bras un instant. Atilius devait avoir d’autres problèmes pour être aussi docile, si peu réprobateur quand elle avait demandé son départ avancé. Mais il savait aussi être tendre et compatissant envers ses failles, et si une seule personne était capable de la faire perdre pied, c’était bien Roman. Il la poussait à bousculer tous ses plans pour une étreinte douce la nuit tombée. Cela n’avait pas été très complexe à organiser, elle avait l’espoir ténu qu’il se rende dans la chambre sans trop tarder après sa missive, et elle ne fut pas déçue, comme toujours, il se montrait aux petits soins pour elle. Elle se sent presque s’envoler sous son regard éclatant de bonheur de la voir ici, près de lui. Ses yeux doivent être un parfait miroir de ce qu’il ressent, elle en est convaincue. Ils n’ont pas besoin de se dire à quel point ils se sont manqués : c’est transparent. Demetria laisse sa main parcourir sa peau, bien vite déconcentrée par la vision de son amant peu habillé. “Et c’est ainsi que tu te déplaces en mon absence ? Je devrais revenir à l’improviste plus souvent !” Sourire mutin, baiser volé, et étreinte douce, parce que le manque de leurs deux corps ne se comparent pas à celui de leurs deux coeurs. L’amour qui déborde toujours, de leurs prunelles, de leurs lèvres, de leurs âmes qui se rencontrent partout où ils le peuvent, toujours en secret à leur grand regret.

D’un sourire, elle hoche la tête, la proposition qui la ravit, l’idée de passer une soirée comme un couple classique se dessine : manger en tête à tête, l’écouter lire des poèmes, s’embrasser à en perdre la tête, s’aimer jusqu’au petit matin et oublier que le lendemain, rien ne sera plus pareil, et la routine recommençerait. “Avec plaisir. Tu me proposes un rendez-vous, c’est ça ?” Lorsque les mots s’échappent de ses lèvres, elle se rend compte qu’ils n’ont eu que cela, des rencontres clandestines, des entretiens cachés mais délicieux, pourtant, l’idée que rien ne puisse perturber leur quiétude était délectable. Demetria serre la main de Roman dans la sienne, et l’emporte vers la cuisine de l’appartement. “Tu ne comptes pas mettre de chemise, n’est ce pas ?” Avant de le laisser entrer, elle se tourne vers lui et joue de ses doigts contre sa peau, la lèvre pincée par ses dents, les fossettes qui se dessinent, ne cachant pas le plaisir qu’elle avait à le taquiner : c’était si normal, si simple, si beau.

“Comment cela s’est passé chez mon frère ? La petite a été mignonne, j’espère ?” Conversation presque domestique, changer de sujet, la distraire de lui, même si elle importe peu d’importance à ce qui n’est que sa chair et son sang à demi. Elle tente de s’éloigner un peu, de ne pas céder à la brûlure qui la rapproche toujours plus prêt de lui, tantôt charnelle, tantôt innocente et tendre, elle se balade d’un extrême à un autre, toujours baignée dans les sentiments qui les réunit inéluctablement. Une bouteille de vin blanc qu’elle saisit au passage, les verres de cristal qu’elle réserve aux grandes soirées et la plénitude qui se tisse sur son visage à chaque fois que leurs regards se croisent. “Tu sais ce que tu veux manger ?” Elle lui sert le verre, et lui offre pour qu’ils puissent trinquer. “A la plus belle soirée depuis longtemps.” Elle scelle alors le plaisir de passer une soirée solitaire en sa compagnie, sans se soucier de ce que les autres, et encore moins son mari, pouvait penser ou imaginer. Ici, maintenant, elle pouvait être elle même sans s’inquiéter des jugements et des rumeurs puisqu’elle était en sécurité, sans risque d’attaque acerbe ou de couvertures ravageuses. Elle était protégée, et pas seulement par son mari, encore moins par les bras de son amant, mais simplement par l'ingéniosité d’une nuit parfaitement orchestrée. Demetria savait être aussi fourbe et sinueuse qu’un serpent quand elle voulait vraiment quelque chose. Et ce qu’elle voulait par dessus tout depuis toujours, c’était bien Roman. Son objectif était atteint, elle pouvait désormais en profiter.

ce qu'il aime voir le bonheur dans ses yeux! Cela a toujours été l'un de ses plaisirs : la rendre heureuse, d'un cadeau, d'une attention quelconque, et de lire dans son regard cette étincelle de joie, ce rien de surprise, ce fond de tendresse. Il ferait tout pour un tel regard. Ils sont sa raison de vivre... et quel plaisir de constater que sa simple présence les provoque! Il s'en étonne encore. Comment un être aussi frustre que lui pouvait faire naître tant de bonheur dans le regard d'une reine? C'était insensé. Délicieusement fou. Il s'il ne le comprenait pas, il avait décidé de ne pas s'y attarder, de ne pas chercher à comprendre de peur de briser quelque chose, comme il savait si bien le faire.

Roman avait accepté que Demetria l'aime d'un amour sincère et passionné, démesuré, sans logique. Essayait en tout cas, et pour lui, c'était déjà énorme. Il lui faisait confiance, même si tout ça lui paraissait tout à fait irréel. Il s'empare de sa main qui erre sur son torse et la serre dans la sienne, la porte à ses lèvres, embrasse les doigts aimés avec une tendresse infinie. Il rit doucement : il n'y a bien qu'elle pour accomplir ce miracle alors qu'il sombrait dans la mélancolie pas dix minutes plus tôt. "Il fait trop chaud en haut pour porter plus. Mais je me réjouis que ça te plaise..." Ses lèvres sourient un peu plus alors qu'il se penche pour l'embrasser doucement, ne réalisant pas encore tout à fait la chance et l'opportunité rare qui se présente à eux.

Il hoche la tête. "Un premier rendez-vous. Tu pourrais sortir l'une des robes que tu préfères, j'essaierais d'avoir l'air moins pouilleux - ou resterais torse nu, si tu préfères- j'essaierais de te séduire, de gagner ton coeur." Il s'amuse de leur enthousiasme pour quelque chose d'aussi banale qu'une soirée en tête à tête. Mais tout est nouveau pour eux, si habitués à se cacher au détour d'un couloir, d'une chambre vide. A se dissimuler du mari, des amis, des autres en général. Perosnne ne doit savoir. Personne ne doit se douter. Le secret rendait tout excitant lorsqu'ils étaient jeunes... mais à presque quarante ans, Roman rêvait de plus. De plus normal, de plus stable. Jamais il ne la pousserait à assumer une relation qui la mettrait en difficulté... mais les moments passés avec la petite Kallisto font remonter les envies de légitimité et de famille, même s'il s'empresse de les enfouir bien profonds dans le coffre qui garde tout ses secrets, pour ne pas les laisser faire surface, prendre le risque de les blesser.

Il la regarde qui taquine, ravi de pouvoir avoir une attitude de couple normal avec elle. Sa main sur sa hanche dans la couloir, un baiser dans le cou dans la cuisine... jamais il n'aurait pensé que ça arriverait. Il avance vers la cuisinière, l'effleure du bout du doigt, se dirige vers le cellier, observant ce qu'il y a à leur disposition, réfléchissant à ses dons limités en matière de cuisine. Il en profite pour répondre à sa question, avec naturel "Kallisto se méfie encore un peu, je crois. Elle a une sacrée peur de l'abandon. Mais je crois que je commence a l'apprivoiser." Sa voix laisse paraître la tendresse qu'il developpe pour la nièce de Demetria - sa nièce? Quel place avait l'amant d'une tante dans la vie d'une enfant? La petite ressemble beaucoup à l'enfant qu'il était. "Je suis plus doué pour faire le bacon et les oeufs brouillés que le saumon poché... si je me mets en cuisine, tu risques de mauvaise surprises... surtout sans baguette." Sa magie capricieuse ne lui pose pas tant de souci habituellement. Ce qui lui apportent de la joie n'a pas besoin de magie. Le piano, l'écriture, et surtout Deme, "sa" Deme, étaient des petits miracles dont il jouïssait sans avoir besoin d'être un sorcier - et il en remerciait les dieux. Il saisit le verre qu'elle lui tends et trinque a son tour. "A ce souvenir que nous allons construire ce soir." Une gorgée de vin, qui lui paraît tout à fait bon, et il pose le verre sur la table pour venir enlacer sa déesse de ses bras, posté derrière elle, ses lèvres deposant un baiser libellule sur son épaule. "Tu veux qu'on cuisine ensemble? Je ne sais rien faire à part la sheperd's pie et tu mériterais des mets plus raffinés..." l'idée de cuisiner avec elle, de jouer à lui mettre une trace de farine sur la joue, lui faire goûter l'assaisonnement du ragoût, faire la vaisselle et la laisser l'essuyer... autant de tâches que probablement bien des couples trouve banale ou rasoir, mais qu'il a hâte de tester, peu habitué à cette normalité, cette vie de couple du quotidien. Il la relâche, reprends le verre et bois une nouvelle gorgée, se risquant même, acte insensé pour un esclave, à ouvrir une fenêtre pour profiter un peu de la tiédeur de ce début de soirée. "Raconte-moi le mariage. Tu t'es amusée?" Les mots glissent sur sa langue et il les savoure. Si... normaux.

Les couples ne mesurent probablement pas la chance qu'ils ont au quotidien de pouvoir simplement parler à l'être aimé, lui raconter des banalités associés d'un baiser tendre. Lui compte bien chérir ce moment du début à la fin.

Elle rougit en se souvenant qu’il n’est pas couvert des mêmes protections et commodités qu’elle dans cet appartement. Elle aurait bien voulu, lui offrir une chambre et quelque chose de plus décent, mais Atilius aurait refusé, argumentant qu’elle dépassait encore une fois les bornes. Le jeu d’équilibriste, entre son amant et son mari, était là l’entreprise la plus difficile. Constante de tiraillement entre l’amour et l’affection, la tendresse et les habitudes, la dévotion et la fidélité. L’aimer lui n’est pas tromper l’autre, car son coeur et son âme avaient assez de place pour les deux, et Demetria avait toujours été binaire, avec Roman comme avec Atilius. L’un comme l’autre la comprenait désormais, autant qu’ils le pouvaient. Et ça la faisait souffrir, de se savoir parfois si peu adroite, si partagée entre deux hommes, mais sa balance n’était droite qu’avec les deux d’une part et d’autre. “Quand je récupèrerais ma magie, j’irais poser des sorts pour te soulager. J’aurai dû y penser.” Elle accueille son baiser en étant rongée de culpabilité, encore une fois obnubilée par sa petite personne sans penser aux autres, même à ceux qui comptent le plus pour elle.

“Tu es parfait. S’il te plait, ne te dénigre pas. Restons simple, les seuls artifices que je veux, c’est un repas et des bougies. Ca suffira.” La seule chose que je veux, l’unique constante dont j’ai besoin, c’est toi. Demetria s’est déjà tant livrée à lui qu’elle n’arrive pas à lui offrir plus que de tendres sourires et touchers rassurants pour le couvrir de son amour. Elle aimerait tant qu’il se voit de la même façon qu’elle le regarde, qu’il observe enfin les mille et un talents qu’il possède et la manière dont il la rend profondément heureuse, c’est bien là l’oeuvre d’un magicien.

Demetria n’avait pas grand attachement pour la gamine. Elle voyait bien, pourtant, le regard brillant d’Atilius qui passait de l’enfant à elle en se demandant quand il pourrait vivre ce bonheur. Parfois, Deme se disait que son désintérêt avait provoqué le traumatisme vécu par son corps. Que son âme ne voulait pas d’un bébé bruyant, et que son bas-ventre s’était débrouillé pour s’en débarrasser. Tout avait été si étrange pour cette tentative. Les essais, peu nombreux, que la jeune femme pensait impossible, le début de grossesse, maladroit et épuisant, puis l’annonce, lorsque les douleurs furent insupportable, du développement au mauvais endroit, condamnée à ne ressentir que torture jusqu’à l’implosion. Les souvenirs sont vivaces dans son esprit, même si elle a tenté d’en placer dans sa pensine. “Ca te plait, comme mission ? Zelda était soulagée, je crois.” Elle se rend compte alors qu’à chaque fois que leurs peaux, leurs corps se touchent, elle se tend naturellement pour se rapprocher de lui. Un baiser vite volé, une caresse déposée, tant de gestes du quotidien vécu librement. Le sentir contre elle, le dos contre son torse, sourire qui se dessine, un peu plus grand à chaque traces de ses lèvres le long de son épiderme. “Pour une fois, je peux prendre soin de toi, peut être ?” Elle s’affaire dans la cuisine qu’elle connait par coeur, cuisinant souvent seule par besoin de rapidité, loin d’être compétente, elle arrivait à maîtriser ses fourneaux pour se nourrir sans grande difficulté. Des tomates venues de France, un poulet au four, des pommes de terre découpées en dés, rien de bien compliqué. Elle ne voulait pas de choses grandiloquentes, car cela ne leur ressemble pas. Pour Roman, elle aurait vécu une vie simple si elle avait eu assez de courage, et si sa route n’avait pas croisée cette d’Atilius avant lui. Premier arrivé, premier gagnant, âme soeur éternelle.

“Le mariage était plaisant, la mariée très belle, et ils semblaient très amoureux. C’est très rare, dans nos familles. Je suis contente pour Atlas… Je ne pensais pas qu’il trouverait un si bon parti après sa première alliance…” Atlas, le courageux, celui qui avait osé, malgré son sang, se marier avec une moldue, qui, malheureusement, ou heureusement, était morte sans enfanter. Mais dans leurs malheurs commun avec Théa Malfoy, ils s’étaient alliées d’une belle façon. Demetria se retint de dire qu’elle était cependant, une plus belle mariée, car si Atilius s’était permis de lui glisser à l’oreille ce compliment pendant leur danse, elle ne voulait pas faire cet affront à Roman. Eviter de lui abimer le coeur à tout prix en lui rappelant qu’elle ne lui appartiendrait jamais. “J’ai dansé, j’ai mangé, et nous avons pris le temps d’aller voir un vignoble d’une famille française qui nous fournit des plantes. Leur serre était incroyable, les senteurs et la vivacité de leurs herbes ! C’était incroyable de beauté !” Elle s’approche de lui, presque enfantine “Ils m’ont laissé prendre des boutures de certaines, je vais pouvoir en avoir de nouvelles bientôt !” Les plantes restaient ses amies favorites. Silencieuses, vénéneuses, et toujours là pour elle. Les meilleures alliées possibles. Elle s’affaire à tenter de lui faire plaisir, les gestes de l’ordre du quotidien, en lui volant un baiser dès qu’elle passe à côté de lui pour attraper un ustensile. “Et qu’as-tu fait en m’attendant, en dehors de t’occuper de l’enfant ?”

Sa réaction le fait éclater de rire. Un petit rire, mais il contient tout ce qu'il faut. De la joie, de l'indulgence, de l'amour. Il n'y a qu'elle pour l'entendre. Qu'elle à qui il ose, parvient à l'offrir. Il lui effleure le bout du nez. "Ne t'en fais pas. Cela ne me dérange pas. Mon ancien appartement était bien pire. Une fournaise l'été, un désert glacé l'hiver… Et en plus, le toit fuyait." Il n'avait jamais eu les moyens ni l'envie de se payer mieux. Un trou à rat, ça lui correspondait bien, au final. Au moins, ici, sa mansarde avait une vraie fenêtre, un lit auquel il ne manquait aucune latte, et il ne devait pas zigzaguer entre les récipients qui recueillaient les gouttes de pluie à chaque averse –et à Londres, chacun savait que la pluie était l'état naturel du ciel, comme si quelqu'un pleurait toutes les larmes de son corps sur l'Angleterre depuis les débuts du monde.

Il la regarde avec tout l'amour contenu dans son cœur. Dans les quelques graals ou il a débordé aussi. Si touché quand Demetria lui dit qu'un repas, des bougies et sa présence suffiraient bien. Il ne perds pas espoir. Un jour, quand elle serait prête… elle lui dirait tous ces mots qu'elle pense et qu'elle n'a pas encore pu prononcer, qu'elle exprime par des baisers et des regards. Ils s'envoleront de ces lèvres adorées sans même qu'elle y pense… et il pourra mourir, car il aura entendu tout ce qu'il voulait entendre sur cette terre. Il embrasse sa tempe, ferme les yeux. "Je t'aime tant." Je t'aime de m'aimer, je t'aime d'essayer, je t'aime de ne jamais avoir abandonné.

Il opine alors qu'il s'empare d'un couteau pour découper quelques tomates. Il a vu que si Demetria était proche de son frère, elle n'est pas du genre à se pâmer devant une enfant. Cela lui importe peu, au final, qu'elle ne fasse pas partie de ces personnes. "Oui. Kallisto est une chouette petite. Puis... j'aime bien les enfants. Ils sont... vrais, ne s'occupent pas de politique ou... Pour elle... je suis juste un monsieur barbu. Pas un sorcier, pas un esclave... Ça fait du bien, de temps en temps. Et si je peux aider ton frère et sa femme…" Cela lui donnait un peu l'impression de faire partie de la famille. De ne pas juste être… l'amant, celui qu'on cache. C'était idiot, et pourtant, ça lui faisait du bien. "Je l'ai à peine vue ce week-end. Elle était très fatiguée. Probablement pas une bonne période… Je pense que j'irais la voir dans les prochains jours, si tu veux bien?" Zelda souffrait... visiblement, bien que personne ne le lui ais confirmé, des mêmes maux que sa mère, il y a si longtemps… A ceci près qu'elle avait eu la chance de pas avoir un homme comme son géniteur en guise de mari. Roman s'était attaché à elle. Elle lui rappelait son enfance, l'amour profond pour sa mère. Un temps plus simple.  Il sourit lorsqu'elle lui glisse l'idée qu'elle prenne soin de lui. "Continues de me regarder ainsi toute notre vie, c'est tout ce que je demande." Il admire son aisance alors que lui se sent si maladroit, quand il voudrait être un maître de la cuisine et l'impressionner de ses talents.

Il l'écoute parler, s'imagine le mariage. Les mariés, même s'il ne se souvient pas les avoir rencontrés. "Atlas a déjà été marié?" Il hausse les épaules à la notion de "bon parti". Cela ne veut pas dire grand-chose pour lui. A vrai dire, il est probablement l'un des pires parties que l'Angleterre compte sur ses terres à ce jour. Pire que lui… C'est les nés-moldus affligés d'une malédiction de lycanthropie, sans doute. Il ne se fait pas d'illusions… Si un jour il avait la chance de pouvoir épouser la seule femme qu'il ait jamais aimé –ce qui, il ne se fait pas d'illusions, restera un doux rêve,  personne ne dirait de lui qu'il est un bon parti. Plus certainement qu'il a l'air gentil, au mieux. Et au pire… bah, trahison, insultes, "Tu es tombée bien bas" et autres amabilités. Peut-être aussi un mot sur ce qu'il aurait pu faire à Atilius pour obtenir Demetria, alors que les deux étaient un si beau couple… Le pianiste se concentre sur ce que sa belle lui raconte, avant de se laisser engloutir par l'amertume et le spleen, ces deux fidèles comparses. "Bon. Tu as passé un bon week-end, alors."

Il sourit de l'entendre évoquer les plantes, à qui il lui est si facile d'offrir de la tendresse. Il l'imagine, les yeux brillants, l'air ravie, dans les serres, et sourit, attendri. "J'ai hâte de voir ça! Quels types de plantes? De l'ornement, ou quelque chose que tu pourras utiliser dans tes potions?" Ils avaient cela en commun. Enfin. Lui aimait le bouillonnement du chaudron, le mélange précis des ingrédients pour obtenir un résultat parfait. C'était rigoureux et aussi créatif que de composer une musique. Demetria préférait la partie en amont. Cultiver les ingrédients. Mais grands dieux, lui n'avait pas la main assez verte…

Il boit une nouvelle gorgée de vin, lui passe les tomates et épluches quelques pommes de terre. Grimace à la question. "Pas… grand-chose. J'essaie toujours de ne pas sortir si je n'ai pas d'autorisations, tu sais…" Un vague sourire. Il se tient lui-même enfermé, ne sachant que trop ce qu'il ferait s'il sortait. En l'occurrence…Aller au pub, commander une bouteille de gin et la vider verre après verre, pour ne pas imaginer Demetria au bras d'Atilius, dansant avec Atilius, jouant au couple parfait avec Atilius. Pour ne pas songer à la robe qu'elle porterait si elle l'épousait un jour. Ne pas se mettre à composer la musique de leur première danse… Il serait revenu saoul comme un poète malheureux, aurait fini au piano à jouer sa tristesse et pleurer sa musique. Mais de ça… il ne veut pas parler. "J'ai joué un peu, écrit un peu aussi. Des bêtises. J'ai beaucoup pensé à toi."

Mais y avait-il un moment ou ça n'était pas le cas?
Il passe les légumes coupés. Se lave les mains, les essuies sur un torchon. Comme s'il était chez lui.

"Demain matin, je te prépare un petit-déjeuner au lit. Tu aimerais?"

Leur vie en opposé, quand elle a été couverte de la chaleur et de la tendresse de son foyer dès l’instant où Atilius a mêlé sa vie à la sienne. Ils se sont enchainés l’un à l’autre de façon douce, parce qu’il n’y avait rien de meilleur que l’autre pour l’époque. Dans un autre temps, les choses auraient peut être pu être différente. Dans leur présent partagé, Demetria se reposait sur son mari pour la plupart des choses, n’offrant sa touche que pour la décoration, les herbes d’une potion, le choix d’un repas pour leur soirée… Demetria était silencieuse, mais pas absente, dans sa maison faite de regards couvés et protecteurs, parce qu’il n’y avait pas que le confort de leur appartement qui la sécurisait : elle n’était jamais seule, quand Atilius était là. Pas besoin d’un autre compagnon lorsqu’on a son âme soeur. Seul Roman s’était positionné autrement. Une nécessité bien opposée à celles qu’elle avait ressenti avant. Roman lui apportait bien d’autre choses que son mari. Et bien plus qu’un amant d’une nuit pourrait lui offrir. “Ce n’est pas parce que tu as été plus mal logé que je dois laisser cette situation perdurer.” Elle ressent un élan de culpabilité à voir qu’il n’aura jamais un quart de ce qu’elle possède, alors qu’elle avait tout, et maintenant, même lui. Il n’y a pas à répondre, elle est catégorique.

A chaque fois qu’il la couvre de cet amour que seul lui sait offrir, elle rougit et baisse la tête. Son coeur et son esprit crie moi aussi, mais ses lèvres savent mieux lui dire. Pas besoin de se noyer dans l’autre à chaque instant, ils n’ont plus 16 ans, mais d’un regard, d’un geste, ils savent, l’un comme l’autre, l’un à l’autre, combien ils s’aiment. Et malgré elle, elle fuit son corps et ses prunelles quand il parle d’enfant. Elle est ravie que son frère et sa soeur puissent se sentir épanouis par la procréation, mais cela n’a jamais été son souhait. Pas née pour ça, probablement. Elle vit encore les souvenirs comme des claques au visage, bien qu’ils soient atténués, flous, le corps, lui, se souvient. Et la façon dont, comme un fantôme, son bas ventre se contracte comme pour lui rappeler qu’un jour, par le souhait d’Atilius d’être père, elle s’est retrouvée blessée, abimée, écrasée, éclatée, revient. Elle ne saurait expliquer pourquoi ou comment elle se retrouve à ressentir cela ainsi, mais une chose est sûre, la douleur est toujours là. A jamais gravé. “Oui, bien sûr, tu peux aller la voir quand ça te chante.” Elle est ailleurs, et elle opine en automatisme lorsqu’il demande à retourner chez son frère. Ca lui semble futile, cette idée qu’il soit obligé de réclamer pour se déplacer, mais d’un côté, c’était tout ce qu’il y avait de plus rassurant pour elle : il lui appartenait, et ainsi, aucun risque qu’il s’échappe vers une autre. Fini les nuits d’angoisse à se demander si une autre était mieux qu’elle, si sa peau était plus douce, moins marquée par les années, si son âme comme son coeur pouvait être offerte à Roman, et qu’il finirait par l’oublier, elle qui s’imaginait parfois être irremplaçable, au fur et à mesure des années avec Atilius qui ne jurait que par elle : elle appréciait ce sentiment d’être privilégiée, même si il l’amenait à être particulièrement torturée.

C’est la façon dont elle le frôle à chaque fois qu’elle s'attelle à ce genre de tâches domestiques qui lui donnent la certitude que jamais, tant qu’il serait là, elle pourrait le regarder autrement. “Je t’ai retrouvé. Rien ne changera mon regard pour toi, maintenant.” Ca sonne comme une promesse, et c’est sûrement là, la vérité la plus criante. Pourtant, c’était probablement tissé dans un mensonge sans qu’elle le sache. Parce que si elle y réfléchissait, un tas de choses pourrait bousculer sa dévotion. Une traîtrise, un retournement contre Atilius, une blessure involontaire, un monde pouvait les séparer. Le premier, leur naissance, l’une digne, l’autre bâtarde, choisie par le destin.

“Oui, il s’est marié avec une moldue française quand il était soldat dans les Indes. Il fait partie de la famille par alliance d’Atilius et il est cher à Drusilla. Son mariage n’ayant pas porté d’enfants, cette… Ce mariage n’a pas eu de conséquences pour lui. J’en suis heureuse, perdre sa hanche et sa compagne sont déjà des drames suffisants à une vie.” Elle pensait sincèrement qu’il avait mérité ce bonheur au grand jour, sans avoir de punition supplémentaire. Son état d’homme abîmé avait probablement aidé à sa réhabilitation. Elle hoche la tête, et lui sourit de façon contrit. Elle imagine que ce n’était pas la réponse qu’il espérait, mais elle ne lui mentait pas. Jamais, plus jamais.

Son excitation revient instantanément lorsqu’ils parlent de plantes. “Pour mes potions, je pense qu’il y en a une qui pourrait m’aider à trouver un antidote, c’est un peu précipité, mais c’est dans les rouages, je pense sincèrement que ça désinhibera les pouvoirs, et j’imagine vraiment que ça pourrait être une belle avancée ! Les ornements, j’en fait des expériences maintenant.” Plus sur Bald, au moins. Elle gardera certaines de ses idées secrètes pour ne pas les infliger à Roman. Trop de violence gratuite, lui revient en mémoire ses thés traumatiques pour le gamin gardé par les Slughorn… Elle ne verra pas l’épiderme de celui qu’elle aime devenir épine, ou autre horreur par son biais. Jamais.

En parlant de choses et d’autres, elle se rend compte que le tableau est presque parfait. Ca lui fend le coeur en pensant à son mari, encore en France. Coupable, elle noie ses sentiments dans un second verre de vin qui lui permettra peut être d’oublier un peu tout cela. “Tu ne voudrais pas me lire ce que tu as écrit ? Je suis sûre que j’apprécierais.” Parce que tout ce qui venait de lui l’impressionnait. Baiser volé quand elle enfourne le plat presque prêt, ne demandant qu’à mijoter pendant une petite heure. “J’espère que tu n’es pas affamé, il faudra attendre un peu.” Elle l’observe prendre possession des lieux, le sourire aux lèvres, toujours la balance mal agencée entre ses deux hommes qui gravitent dans sa vie. “Bien sur, toi, moi, un lit, et de quoi manger, je ne peux pas rêver de mieux.” Elle n’a pas besoin de se forcer pour lui offrir un sourire, à nouveau, elle retrouve ses bras, pour lui réclamer une faveur. “Tu me fais la lecture en attendant que le repas soit prêt ?” Elle caresse son visage, et ses yeux accrochent les siens pour se perdre dans l’océan, rassurée, jamais effrayée de s’y noyer : à sa place.