cold hearts (malfoy)

Il est de ces souvenirs d’enfance qu’on imagine tendres et souriants. Des éclats de rires qui frappent les tympans pour le plaisir des parents, des petites jambes qui s’élancent dans un jardin fleuri, des mirages plus colorés par le bonheur que par le soleil ambiant. Pourtant, si Théa n’a jamais eu à se plaindre de sa jeunesse au Manoir, elle avait, dès son plus jeune âge observé que son frère était de ces âmes les plus renfermés. Elle a pris tous les mots qu’il ne disait pas pour les laisser couler le long de ses lippes. Moulin qu’on arrête pas, face à l’océan calme d’Hylas. Il était le ciel bleu de ses mémoires, impassible, toujours présent, surveillant de haut les trébuchés de sa soeur plus jeune. Gardien de Méra, la bouche close, n’hochant la tête que si nécessaire, même Théa s’était habituée au caractère de son frère, qui équilibrait parfaitement ses élans fougueux. L’affection qu’elle portait à son frère et à sa soeur était indéfectible, bien loin des relations avec ses parents, ils avaient construit un lien dénué de jalousie, mais emprunt d’une certaine tendresse, malgré tout. D’un sourire, elle parlait à Hylas, d’un haussement de sourcils, elle faisait rire Méra. Il n’y avait pas besoin, toujours, de démonstration grandiloquente d’affection pour s’aimer avec autant de force que ces trois là. Telles des ombres veillants avec bienveillance les un sur les autres, ils n’étaient jamais loin, même lorsque Méra était en voyage, même quand Hylas travaillait tard le soir. Mais la chose la plus importante qu’avait appris Théa avec sa fratrie, c’était bien que même si elle perdait tout par ses incohérences et ses coups de sang, ses deux comparses remueraient ciel et terre pour la protéger.

L’après midi était déjà bien entamé, et Théa avait plusieurs projets en cours avec ses élèves. Elle ne travaillait plus le matin, souvent accablée par des nausées interminables, bien que les potions d’Atlas l’aidaient. Elle ne se sentait même plus capable, certains jours, de tenter elle même d’en préparer, tant elle se sentait fatigué. Mais après un repas, le midi, elle était à même à nouveau de réfléchir et de se déplacer. Ainsi, lorsqu’elle sollicita une rencontre avec Hylas, elle prit soin de demander à le rejoindre à l’heure du thé. Les notes qui s’accumulaient sur la table du salon furent rangées soigneusement, et elle sortit d’un placard un cadeau soigneusement emballé. Etait-ce parce qu’elle avait peur qu’Hylas refuse sa demande, qu’elle avait prévu de quoi attendrir le prince de glace ? Très certainement, bien qu’elle se refusait de l’avouer. Sa demande lui semblait si importante, et elle connaissait les risques qu’elle courrait à avoir un refus catégorique de son frère. Une moue agacée qui se dessine sur son visage, tracassée par l’inquiétude de devoir éluder la confession de son mari devant son frère qui sait lire les esprits comme personne. Pourtant, elle ne voyait nul autre que lui pour le rôle recherché. Elle accepterait presque de le laisser être sinueux dans son esprit pour voir à quel point sa demande et son amour pour Atlas est pur et tendre, loin des violences d’Arctus, qui les avaient tous touché. Mais il y verrait aussi les blessures causées par son fiancé, qu’elle devait toutefois reconnaître, plus légères, mais aux entailles profondes dans la chair d’un palpitant déjà bien cabossé. Atlas qui s’emporte face à elle, qui serre ses poignets, qui la force à boire du veritaserum, Atlas qui lui jette en pleine figure la liste de ses conquêtes, Atlas qui l’insulte suite aux menaces proférés à Gabriel, Atlas qui l'emmène à Paris et leur fait prendre un risque inutile, à elle et au bébé… Le bébé. La main qui frôle le tissu de sa robe claire dont le serre taille est relâché, elle ne peut pas le laisser fouiner dans sa tête, sinon, il apprendrait sa grossesse, et si Hylas l’aimait, elle était loin d’être certaine qu’il apprécierait cette information. Son frère n’avait pas tendance à chercher ce que Théa avait à l’esprit sans son consentement. Elle a longtemps hésité à cacher ses sombres pensées dans une bassine faite pour, mais elle préfère encore un peu les affronter. Un jour peut être.

Les cheminées d’Atlas et Hylas sont désormais reliées, ce fut l’une des premières demandes de Théa : Pouvoir voir sa soeur et son frère facilement. Elle avait prévenu son frère qu’elle userait de ce moyen de transport, et elle lança la poudre en annonçant sa destination d’une voix claire. Arrivée sans encombre, elle voit déjà son frère de dos, l’un comme l’autre ponctuel, et elle se jette un sort de nettoyage pour être parfaitement présentable. Bien qu’elle soit plus jeune que lui, Théa avait ce réflexe de le couver du regard, peut être parce qu’il tardait à se marier, peut être parce qu’il avait cette distance même dans la voix et que ça lui permettait de se rapprocher encore un peu de lui ?

“Hylas !” Elle le serre contre elle, il ne peut pas échapper au contact physique avec elle, Théa a tendance à imposer certaines choses, même au sein de sa famille, encore plus avec sa fratrie.

Elle le détaille, toujours aussi grand, toujours aussi beau, et porte en demi teinte sa future alliance avec Algie, qu’elle apprécie tant. Si elle est certaine qu’Algie sera bien traitée, elle ne sera pas possédée par la vibrance d’un mariage d’amour. Pour cela, Théa avait déjà dit tout ce qu’elle pouvait à Hylas, qui semblait ne pas vouloir en échanger avec elle. Cela avait le don de rendre folle Théa, mais elle n’avait pas grand pouvoir sur son frère. Elle savait que la plus grande menace qu’elle pouvait proférer à l’encontre de son frère, c’était qu’il l’avait déçu. Ce n’était pas encore le cas. Mais gare à lui s’il blessait, intentionnellement ou non, la Longbottom. Sororité déplacée quand on connait les élans de jalousie de la blonde, qui pourtant essaie de devenir une meilleure personne, plus équilibrée.

“Merci de m’accueillir aujourd’hui. Tu te portes bien ? Dis-moi, as tu vu Algie ? J’ai tant de choses à te dire, je suis si excitée par le mariage, c’est si proche !” Elle déverse déjà tant de mots qu’elle en souris, parce qu’elle sait qu’elle n’en aura pas tant en retour, et encore moins d’enthousiasme de la part de son frère. Mais elle balaie cette pensée dans un coin de sa tête, elle aimait son frère ainsi, le presque muet, dénué de sentiments, sauf pour les deux têtes blondes qui le faisaient tourner en bourrique depuis sa plus tendre enfance.

Oh, comme Hylas était toujours délicat. Elle s’applique à faire infuser son thé, attendant de voir une aiguille s’aligner pour plonger les herbes et les ressortir au moment opportun. Remerciement tacite pour le garçon qui ne embarrassasse pas de mot. Les phrases sont expéditives, et Théa sait que ce n’est pas que par ennui. C’était comme si, depuis enfant, il économisait ses forces dès qu’il parlait. Si Théa avait longtemps trouvé que son frère était une énigme, elle respectait désormais ce caractère incongru. Elle aimait l’idée qu’ils savaient l’un comme l’autre être dominants des forteresses glacés, mais Théa se transformait en brasier avec le temps. Incontrôlable, le feu qui dévorait ses entrailles pour ravager son coeur, ses proche, elle même. Une main qui se porte à la gorge, elle n’oublie pas la rune qui compose avec son corps depuis l’interrogatoire. Elle cache la trace dessiné par la Greyback avec application chaque matin. Mais elle n’a pas oublié. Elle n’oubliera pas, qu’on peut encore écraser les braises. Et que la glace ne suffisait plus, il fallait être incendie pour se sauver.

Elle joue avec la tasse, distraite. Elle n’arrive qu’à grand peine à se concentrer sur ce qui se passe de son côté, ah oui. Algie. Il faut avouer que tant qu’elle n’aura pas dit ce qu’elle avait sur le coeur, cela resterait lourd, indivisible. Écrasant. Et seulement ensuite, l'égoïste pourrait défendre sa future belle soeur des travers de son frère. Pourquoi ne pouvait-il pas laisser s’effondrer quelques barrières de temps à autre ? Elle aurait préféré qu’il sache s’imposer cela, pour laisser une tendre épouse apprécier les qualités qu’il avait. Parce que Théa connaissait son frère. Il n’était pas que le prince des glaces. Il était tout autre lorsqu’il se laissait aller à un sourire ou un rire. Mais là n’était pas le jour à jouer avec son frère. Elle sort de son sac un paquet bien emballé. Sans lui mentir pour autant, elle reprend. “Pour te mettre dans les meilleures dispositions par rapport à ce que je veux te demander.” Le cadeau renfermait une plume délicate, taillée main par un artisan, et ensorcelé par un briseur de sort. Plume de Paon, et encrier gravé aux armoiries de la famille. Elle espérait ainsi lui rappeler qu'elle n'oubliera jamais d'où elle vient, peut importe le patronyme qu'on lui donnera. Peut importe que Flamel lui semble plus adéquat. Leur fraternité était tout ce qu'il y avait de plus important. Oui, elle tentait de l’acheter, et elle ne s’en cachait pas vraiment. Parce qu’elle ne pouvait pas lui raconter des inepties au vu de sa proposition. “Je sais bien que le mariage a été un peu précipité.” Encore une fois, elle s’empêche de poser sa main sur son ventre qui dessine à peine le dessein de son futur avec Atlas. “Et je voulais te faire cette demande officiellement… Voudrais-tu être mon témoin, pour mon mariage, Hylas ?” Elle ne lui laisse pas tant le temps de réfléchir à cela, parce que sa question est plus complète, plus complexe. Et la peur au ventre qu’il refuse, qu’il dévoile sa confession aux pires êtres.

“Tu as rencontré Atlas par le passé. Il est la plus belle personne pour moi, tu sais. Si loin de ce qu’à été Arctus. Il m’aime de façon noble et pure, et c’est là tout ce qu’il y a de plus réciproque de mon côté. Je n’aurais pu trouver meilleur compagnon de vie, et je me languis de voir ce que la vie nous réserve.” Son discours sur la tendresse qu’elle porte à son fiancé, et la réciproque, n’était là que comme introduction. Elle savait bien que ces mièvreries ne l'intéressait pas, qu’il n’y croyait surement pas, au grand dam de la jeune femme. “Il a été marié, à une moldue, avant d’être avec moi. Ils n’ont pas eu d’enfants, son sang est ainsi toujours pur. Mais il a développé certaines… Croyances que, certes, je ne partage pas, parce qu’elle manque de sens et de logique à mes yeux, mais, me croirais-tu si je te disais que je l’aime assez pour passer au dessus de cela ? Que mon seul souhait est de le rendre heureux comme il le fait pour moi ? Un remerciement pour me supporter au quotidien, tu sais ce que c’est, n’est ce pas, de devoir m’écouter sans cesse !” Elle lui offre un sourire franc, les mains tremblants un peu, par peur qu’il refuse. “Je n’ai pas pris les cours d’Etude des Moldus, mais il souhaite que nous nous échangions des voeux la veille de la cérémonie dans ce qu’on appelle une église. On dira que Christian est mort, et pourquoi pas mère aussi, s’ils s’interrogent sur l’absence de nos parents, et je souhaiterais… J’aimerais que tu m’accompagne jusqu’à mon futur mari pour cette petite cérémonie qui tient tant à coeur de mon futur. Tu seras là pour remplacer Christian, parce qu’il n’y a personne d’autre que toi en qui j’ai plus confiance. Alors, le modeste présent que je t’ai apporté pour te corrompre, tu pourra l’emporter avec toi pour apposer ton nom non loin du mien ? S’il te plait ?” Elle sait que c’est beaucoup, peut être même trop pour son frère. Il n’a pas les mêmes tolérances, mais elle porte l’espoir dans une dernière phrase qu’il cédera. “En guise de cadeau de mariage ?” Elle lui offre ses plus beaux yeux de chien battu, papillonnant les cils, quelques gouttes d’eau qui s’accrochent sous l’émotion, mi actrice, mi sincère. Théa dans toute sa splendeur.

Son sourire satisfait traîne contre ses lèvres, parce qu'elle sait que son frère apprécie le présent. Évidemment, elle l'avait cherché, imaginé pour lui. Et elle avait beau être particulièrement extravagante, elle connaissait les goûts de celui qui partageait son sang. Hylas était un délicat quand il le souhaitait. Elle ne cache pas son contentement quand elle le voit observer l'objet avec attention et convoitise. Elle avait réussi son coup, et rien ne lui offrait plus grande satisfaction. "Évidemment, même si rien n'est trop beau pour toi, mon cher." Elle est taquine, rappelant là, sa situation avec Algie qui avait tout de divine, mais que son frère ne traitait pas assez bien. Son but en tête, elle essaie alors de ne pas laisser ses ressentis prendre le dessus, car il y avait un monde à dire sur le comportement du Malfoy. Hylas n'était pas facile à cerner, et cela depuis sa plus tendre enfance, mais Théa observait que les années le rendait plus inflexible quand elle devenait plus souple. Le temps n'avait pas le même impact sur eux, et c'était là bien malheureux. Cela n'empêchait qu'Hylas était une des peronnes que Théa aimait le plus au monde, ce lien indéfectible dans sa fratrie que chacun  tentait de conserver et de nourrir en protégeant chaque membre de façon tacite. Lui vient Mera en tête, et le serment inviolable scellé avec Gabriel pour prendre soin de la prunelle de ses yeux.

Ses prunelles s'enflamment quand elle l'entend sous entendre la bassesse d'Atlas. Ça la frappe au coeur, parce qu'elle était persuadée qu'Hylas apprécierait l'esprit et l'intelligence d'Atlas. Elle se rend rogné un peu sur le fauteuil, perd de sa superbe en boudant telle une enfant. "Je n'accepte pas n'importe quoi. J'aime Atlas. Et la réciproque est vraie. Je fais ce que je pense être bon pour mon foyer. J'appelle cela des concessions. Sais tu au moins ce que cela signifie ? Ou es tu trop obtus pour accepter d'en faire de temps à autre ?" Mais doucement, l'agacement se mue en vexation. Théa prend si vite la mouche que ça en devient comique. "Tu ne comprends pas ce qu'est l'amour. L'as-tu un jour vécu pour manquer à ce point de sensibilité ?" La colère qui se réveille, toujours désarçonnante pour Théa, parce qu'elle s'immisçait rapidement, transformant toute conversation en joute verbale pour la jeune femme. Elle tique lorsqu'il parle d'Atlas en ces termes peu flatteurs. Si elle était indélicate, presque fille de joie, elle lui dirait alors que ce n'est pas avec ses idées moldus qu'il l'a… Changement de plan pour la stratège. "Je m'abaisserais aux coutumes qu'il me dictera parce qu'il sera mon mari. Je ne peux plus reculer, Hylas." Et cela, ni parce qu'elle l'aimait, ni parce que le mariage se profilait à une vitesse épuisante. Elle passe ses mains sur le tissu de sa robe pour rejoindre son ventre. Là, sous la dentelle, se cache le fruit qu'une passion assouvie avant l'heure. "Nous avons fauté. Je suis enceinte, et ce, depuis un mois."Elle aurait voulu lui annoncer de façon plus travaillée, avec l'émotion d'une femme qui offre un nouvel enfant dans la famille. À la place, elle est froide, distante, sans sourire tiré le long de ses lippes. Elle ne sait pas s'il s'inquiète alors de cette grossesse au vu du résultat de la dernière. Elle sait alors qu'Hylas avait été plus présent dans sa vie qu'elle ne l'aurait imaginé. Il ne l'a jamais forcé à parler alors que tous s'inquietaient de son mutisme. Il avait été patient, attentif, en somme, parfait. "Je te préviens, si tu m'insulte, je brûle ta maison." Elle n'est pas en train de faire de l'humour. La franchise qui coule de ses lèvres est salvatrice. "Alors, à moins que tu souhaites me voir ternir l'image de la maison Malfoy en finissant chez les filles d'Helga, je pense qu'il serait temps de songer à accéder aux requêtes de mon futur mari. Sommes nous d'accord sur ce principe ?" Manipulation. Du pur Théa, de faire volte-face même face à son propre sang pour accéder à ses souhaits. Elle allait le blesser, l'agacer maintenant, mais elle serait dans une bulle de bonheur quand elle rejoindra Atlas à l'autel de leur nouvelle vie. Et Hylas oubliera tout cela lorsqu'une tête blonde se fondre contre lui, n'est ce pas ?