wanna go back (perséphone)

Illusion fantôme d'une liberté à laquelle elle ose encore croire, promesse qui ne s'échappe jamais de l'esprit, celle qui dit qu'on viendra la sauver de cette prison faite ni d'or ni d'argent, seulement de rouille criante qui emprisonne le corps sans rédemption. C'est cette unique promesse qui la fait encore tenir, l'empêchant de s'enfuir à chaque occasion qui se présente, dès que les regards se détournent quelques instants de sa fluette silhouette. Et puis, elle sait qu'ils la retrouveraient  si elle osait s'échapper de leur emprise. Elle avait pourtant réussi quelques semaines, la première fois, après que le père ait été jeté dans l'arène sans un once de regrets. Mais à l'époque, Abelforth avait été là pour la protéger, mais aujourd'hui, tout est différent, car si elle décidait de s'évader, il n'y aurait plus personne pour accueillir son âme égarée. Alors elle attend, Lydia, même si le corps souffre d'une liberté qui ne lui appartient plus, même si l'esprit boue d'une rage folle qu'elle arrive tout de même à contrôler. Elle attend. Que quelqu'un vienne la chercher comme il lui l'a promit ; il suffit simplement de s'armer de patience, combat de chaque seconde pour cette gamine capricieuse et fougueuse. Peut-être que si la magie ne lui avait pas été partiellement retirée, elle aurait tenté de fuir. Mais ce serait trop dangereux de même tenter ; car si ils la rattrapent, elle connait déjà l'issue de son sort. Lydia ne ferait pas long feu dans l'arène, les sorts de combats n'ont jamais été sa spécialité. Or, elle ne veut pas mourir. Ne serait-ce que pour son père qui lui a offert un moyen de s'en sortir (qu'elle aura pourtant bousillé si rapidement, si bêtement).

Alors elle ne tentera rien dans ce marché noir qui lui offre pourtant tant de possibilités de s'envoler. Ça la trouble encore qu'on l'ait laissé partir seule, peut-être qu'au fond ils savent qu'elle n'ira jamais bien loin. Elle ne s'étonnerait pas d'être traquée de près, la sorcière, mais il n'y a plus rien qu'elle puisse faire. Alors elle a dépassé les miroirs, gravé dans l'esprit tout ce qu'elle à récupérer pour les Black ici. Le marché noir pour masquer les traces, envoyer une esclave pour limiter les regards trop tenaces. Et elle s'y est aventurée. Seule, dans cette foule qu'elle n'a que trop peu affronté ces dernières semaines. Et elle a peur, quelque part, elle qui n'avait encore pourtant jamais été effrayée, mais bien de choses ont changé. Et puis la nouvelle de la mort de Perséphone n'a rien arrangé, car elle n'aurait pas du mourir. Elle n'aurait pas du apprendre non plus, Lydia, mais la rumeur est remontée. Portée disparue, déclarée morte. Morte. Et elle y a cru, sans même remettre en question les accusations, car la mort est devenue presque banale depuis quelque mois. Tout s’effondre autour d'elle.

Elle ne peut rien y faire.
Mais là.
Un éclair.

Un visage, dans la foule.
Le sien, aussi clair qu'elle puisse le voir. Elle ne fait pas erreur. C'est elle. Perséphone. Vivante.
Devant elle.

Et tout fait sens. Fugitive, voilà ce à quoi elle est réduite, désormais. Et elle se demande, Lydia, si c'est bien pire que d'être dans sa place à elle. Probablement pas, car Perséphone jouit d'une liberté que elle n'a pas en tant qu’esclave.

Et malgré le fait de l'avoir aperçue dans la foule, elle foncera pas tout de suite sur elle, au cas où on la surveille. Mais le regard sera toujours fixé sur le silhouette, dans l'espoir que les prunelles se rencontrent enfin. Après des semaines entières, après que Lydia l'ait lâchement abandonnée dans cette salle interrogatoire où les corps ont été torturés. Ici, il n'y a personne pour les empêcher de parler,  de l'avenir ou du passé ; pour les empêcher d'exister.

Ça fait bien trop longtemps qu'elle ne l'a plus fait.
Exister.

@Persephone Wardwell

T’en fais pas, j’y vais.
Grossière erreur, évidemment. Elle aurait dû rester chez eux, mais elle n’a jamais été plus agitée que depuis qu’elle a retrouvé un semblant de liberté. Loin des chaînes qui entravent, elle a eu tendance à oublier qu’elle doit malgré tout rester cachée.
Visage dans la masse, indétectable aux yeux de tous tant que les bras restent couverts, s’est-elle dit avant de sortir. Tant qu’elle ne se transforme pas en feu de joie incandescent en plein milieu de l’Allée des Embrumes. Qui en aurait quelque chose à foutre d’elle ?
Minuscule et invisible, comme toujours.
On ne lui porte attention que lorsqu’on veut obtenir une part d’elle-même, et aujourd’hui elle n’est plus ni à vendre ni à voler.

À un détail près : non loin d’elle, le Fol’Opium. Non loin d’elle, aussi, la prison tout juste quittée. Les souvenirs affluent bien malgré elle, la cape pesant soudainement bien trop lourd sur ses frêles épaules. Il suffirait d’un pas de travers, une perte d’équilibre pour y retourner. Si seulement on lui en offrait la possibilité. Plus probablement, l’arène voire l’exécution sommaire, fugitive attrapée pour la troisième fois, les mailles du filet se refermant enfin sur elle. Il n’y aurait plus de Potter pour la sauver aujourd’hui, encore moins depuis les interrogatoires. Un frisson lui parcoure l’échine.
J’t’avais dit que c’était une idée de merde, et elle entend la voix de son colocataire comme s’il était à ses côtés, grince des dents, presque prête à aboyer en réponse d’une phrase que personne n’a prononcée. Redresse un peu le dos, tentative futile de mimer l’aisance jusqu’à réellement la ressentir.
Bien sûr, ça ne fonctionne pas, alors à défaut elle se concentre sur la tâche à accomplir. Ils avaient seulement besoin de quelques — les tripes se retournent et le coeur s’emballe. Quelqu’un la regarde. Elle n’a pas encore vu mais elle sent, capacité développée au sein du bordel, où elle n’avait d’autre choix que de s’assurer qu’elle ne pourrait pas être prise la main dans le sac. Matin et soir.

La née-moldue sent sa gorge se serrer alors qu’elle s’immobilise, fait mine de replacer sa cape parce qu’elle n’a pas d’autre idée. Songe à immédiatement transplaner, mais lève d’abord les yeux vers la source du malaise.
Cheveux sombres et expression hantée.
Lydia.

Cette fois-ci ce sont les émotions contradictoires qui la submergent. Ne bouge pas, respire à peine. S’inquiète même, l’hypocrite, de la voir se retourner pour aller la dénoncer, peut-être négocier un peu plus de liberté pour elle-même. Mais son amie ne bouge pas non plus.
Alors après avoir jeté un regard à gauche, puis à droite, Persephone change de direction pour la rejoindre. Que pourrait-elle faire d’autre ? Elle est incapable de lui tourner le dos, même après tout ce temps, même après tout ce qui s’est passé. Elle aurait voulu la voir avant le chaos et puis après, mais les âmes jumelles ont été déchirées il y a longtemps déjà et ne leur restent plus que cette rencontre opportune. Autant en tirer quelque chose.

En quelques enjambées, elle est à ses côtés. Main gantée jaillit et s’empare de l’avant-bras de la jeune femme pour l'entraîner avec elle, se glisser dans une allée plus étroite, disparaître dans les ombres. Là, enfin, elle respire. Un peu. Pas trop non plus, puisqu’elle se penche une nouvelle fois pour observer la masse de gens se croiser. “J’espère que tu n’es pas un Aigle sous Polynectar.” La première phrase qu’elle adresse à son amie est teintée de la paranoïa déjà démontrée, tout juste adoucie par l’amusement presque forcé qu’elle lui offre. Et, pour appuyer ses propos, elle tend la main pour pincer la joue de l’ancienne Serpentard, puis y enfoncer un doigt. Ce faisant ses lèvres s’étirent dans un sourire joueur, ses yeux pétillent d’une joie à peine exagérée.
Il est facile d’oublier les trahisons et les regards sombres échangés dans une salle tâchée de son sang. Plus facile que de s’y confronter. “Belle journée pour faire du shopping, n’est-ce pas ? Tout Londres semble avoir eu la même idée,” bavarde-t-elle tranquillement, à deux doigts d’enchaîner sur le temps et le marché noir et dis donc tout ça ne me semble pas très légal.
Elle s’interrompt pourtant, et l’air malicieux qu’elle abordait jusqu’alors se froisse un peu. “Ca fait longtemps, je ne pensais pas te voir ici.” Seule. Bénéficiait-elle d’un maître assez clément pour lui laisser le droit de se balader ? Était-elle de retour aux côtés d’Abelforth ? Non, elle l’aurait su. Aux dernières nouvelles, Lydia avait été récupérée par les Black, ou quelque chose comme ça. Rien de très reluisant. Ou rassurant. L’observant de haut en bas, elle cherche par réflexe des marques ou plaies à soigner, élan égoïste pour se faire pardonner.
Mais pourquoi est-elle désolée ?

@lydia sinclair