Mà tòn Día, nề Día (Rite de passage)

Ses pas claquaient sur les pavés humides d’une rue anglaise. Elle avait la tête haute et l’air décidé alors que les regards se tournaient sur son passage. Peut-être que la couronne de lierre était de trop ? Non, c’était l’élément indispensable pour son rang. Et puis finalement, les attroupements commençaient à se faire, réunion de petits gens qui prévoyaient déjà de leur soirée. Quelqu’un l’aborda rapidement. Il fallait dire qu’une femme seule, comme elle, ce n’était pas tous les jours qu’ils en voyaient, alors forcément elle attisait la curiosité. On lui demanda ce qu’elle fichait ici. Si elle attendait quelqu’un. Si elle allait à un bal d’époque. Si elle voulait bien les suivre, mais elle les gardait éloignés d’une main ferme. Mais qu’est-ce qu’elle pouvait bien faire ici. « Aièn aristeúein. » Exceller toujours. Comme si elle les ignorait, elle lançait ses adages dans une langue qu’elle seule pouvait comprendre – vu la tête de ceux d’en face.

Elle se plaça au milieu de tous, ramenant ses bras devant elle avant de les lever en direction du ciel. Elle appelait clairement à l’attention pour prouver qu’elle en était digne. « Genêthếtô phỗs. » Et la lumière jaillit alors, l’aveuglant par la même occasion. Fichu réverbère, une création moldue qui pourrait presque s’apparenter à de la magie. Plus de doute, toutes les personnes de la place savaient qu’elle était là. « Eleuthería ế Thánatos ! », qu’elle exulte au milieu de l’attroupement. Elle annonce les choix possibles, criant de parallélisme avec sa propre histoire. Elle avait fui pour mieux survivre. Elle avait trouvé la liberté plutôt que de pourrir à Azkaban. Les gloussements étaient nombreux. Les chuchotements aussi. Peut-être qu’on songeait à alpager un policier ou deux pour venir la maîtriser – quoi qu’une seule personne suffirait bien à retenir son petit corps. Mais elle n’en avait cure, elle avait son message à faire passer. « Mà tòn Día, nề Día ! » Elle s’indignait, elle implorait Zeus, le dieu des dieux parmi les dieux. Elle regardait le ciel comme si elle voyait l’Olympe filtrer à travers les nuages gris.

Et puis il y en avait un qui avait trouvé le courage de s’approcher un peu plus que les autres. Il l’interpela avec un terme peu élogieux, elle baissa enfin le regard. Il voulait savoir qui elle était. Elle allait enfin lui répondre. « Je suis Ananké, déesse de l’inévitable ! » Ses longs doigts s’enroulèrent sur le verre à portée et ce dernier décolla pour venir cogner l’épaule de son interlocuteur qui s’en retrouvait trempé. « Tu vois, tu n’as pas pu l’éviter ! » Et elle repartit comme elle était venue, un cercle de bras replaçant sa toge sur son épaule. Elle avait fini son office, il était temps pour elle de regagner son parthénon afin de s’y reposer et de permettre à l’humanité de venir la vénérer et c’était au tour de l’oracle de proférer sa bonne parole et ses bons conseils. Elle finit par retrouver le chemin jusqu’à chez elle, comme si de rien n’était, elle ouvrit la porte et comme de rien n’était, elle vint s’effondrer sur son matelas, sans même prendre le temps de se changer.

La tête lourde, très lourde. La bouche pâteuse et la vision trouble. Elle grogne une fois en ouvrant un œil, une seconde fois en le fermant. Et le haut-le-cœur qui la prenait alors même qu’elle ne bougeait pas. Mais qu’est-ce qui avait bien pu se passer ? Elle grogne à nouveau en laissant les souvenirs foireux lui revenir. Son escapade à la tombée de la nuit. Son bon prêche en grec ancien. Ananké, la déesse de l’inévitable. Et puis elle se souvenait d’avant. L’offre alléchante d’une amie un peu trop attachée à la cause de la fête avec ses petites fioles de liquides multicolores aux odeurs alléchantes. Tiens, tu pourras t’amuser un peu. Mon œil, elle était plutôt partie dans un délire et s’était ridiculisée chez les moldus. Heureusement qu’elle n’avait pas eu la brillante idée d’utiliser la magie, ça l’aurait foutu mal. Elle soupira lourdement et s’accorda pour passer sa journée dans son lit, sa bulle sans voir qui que ce soit.