De retour | ft Perseus

Eliah regardait autour de lui, les rues qui se désertaient peu à peu. Les belles dames empressées d'aller changer leurs chaussures de jour pour des escarpins. Les messieurs à moustaches taillée jouant de leur canne, tendant leur bras aux demoiselles et laissant leurs regards errer avec l'air de le pas y toucher. Il se demande quand aura lieu la prochaine soirée de la Licorne. Mais en attendant, il a d'autres choses à faire. Des gens à retrouver. Si Orfeo restait pour le moment introuvable, et Selina encore grincheuse, il manquait toujours un être indispensable au tableau du retour attendu du fils prodigue : un père.

Oh, pas le foutu Greyback qui l'avait engendré, non, celui là, qu'il reste dans son coin, personne l'avait sonné. Non... son père loup. Celui qui l'avait mordu il y a des années, par un manque flagrant de prudence de la part du hongrois. Perseus. S'il était toujours en vie - et il l'était, Eli irait le chercher aux Enfers pour le ressusciter et le retuer de dépit dans le cas contraire- le lycan devait toujours être dans le coin. Surtout avec Gégé au pouvoir... Perseus avait dû finir tatoué et esclave, sans doute. Mais faire toutes les maisons des sang-purs de Londres était peu productif. A moins qu'il n'apporte quelques sacs pour voler l'argenterie peut-être... mais ah, ce genre de choses, cela s'organisait, ne nous dispersons pas.

L'arène... mieux valait éviter. Des fois que des chasseurs traînent dans le coin. Il y avait encore relativement peu de risques, ceci dit. Pas tant qu'il n'avait pas passé une pleine lune en tous cas. Et qu'on ne le dénonçait pas, bien sûr. Mais il avait confiance en Selina. Enfin. En le fait qu'elle n'oserait pas prendre le risque de voir ses secrets dévoilés. S'il tombait... il ne tomberait pas seul. Un sourire sur ses lèvres. Concentre-toi, Eli. On cherche un loup esclave, présentement...

Un bar après l'autre, et sans perdre la foi!

Trois pubs plus tard, Eliah a déjà un coup dans le nez, la joie au cœur et l'envie de ramener cette jolie serveuse dans le lit qu'il n'a pas. Il a croisé quelques vieux camarades, une ou deux anciennes conquêtes, s'est déjà pris une gifle d'une amante trahie et un coup de poings d'un ancien arnaqué. Une soirée banale, somme toute. Sifflotant une mélodie tout en s'appliquant à marcher droit, le lycan se dirige vers le dernier des endroits ou Perseus Parkinson pourrait avoir ses habitudes – merci les informations de la cousine… Un autre que lui pourrait se sentir désespéré de trouver. Lui, alors qu'une lèvre ouverte gonfle doucement et qu'un cocard fait tranquillement son apparition sur son œil droit, est plutôt confiant. Si ce n'est pas ce bar là… et bien ce sera un autre. Ou bien une maison. Ou bien… Peu importe, il finirait bien par mettre la main dessus! Eli pousse la lourde porte et sourit à l'ambiance sentant bon la fumée de cigarette et le fish&chips. Il renifle. Plus proche de la pleine lune… peut-être aurait-il pu repérer l'odeur particulière de l'un des siens. Mais pour le moment… Nuls besoin. Perseus est là. Attablé.

Un détour discret par le bar, et le nomade s'assieds à la table de son père sans même demander la permission, posant deux verres de whisky entre eux. "Il fallait bien ça pour fêter nos retrouvailles!"

Quelques lourdes pièces abandonnées, ce n’est pas une, ni deux, mais trois assiettes qui ont été englouties à sa table. De la viande, de la chair, encore et toujours, ainsi que deux grands verres de bière. Juste de quoi étancher sa soif, mais pas de quoi le rendre ivre, pour l’instant. Malheureusement ? Peut-être.

Il est sorti du manoir, il avait besoin de prendre l’air, de s’éloigner de cette ambiance si étrange, si lourde qu’il y avait. Blanche qui essaie d’éviter Graal, Graal qui l’évite lui, ainsi que Gellert, parce qu’il a percé des secrets, des faiblesses. Albus qui se remet des derniers évènements, que lui-même préfère ne pas croiser.

De l’air. De la chair. De l’amusement. Il pensait vouloir toucher quelqu’un, avoir sa présence et sa chaleur, mais même ça, il l’a regardé et considéré presque avec mépris avant de simplement rejoindre cette enseigne. Alcool et nourriture. Quoi demander de plus ?

Il est perdu dans ses pensées, l’assiette vide, et le verre presque sec aussi. Il ne remarque pas tout de suite l’ombre qui s’agite autour de lui. C’est le choc des verres sur le bois qui le fait réagir. Il quitte son état léthargique, ses prunelles se meuvent pour trouver ta personne, et il fronce soudainement les sourcils.

Fêter vos retrouvailles.

Il ne réagit pas tout de suite, comme s’il était fatigué, tiraillé, ou juste en pleine digestion.

« Si tu viens pour un quelconque héritage, sache que j’ai tout dilapidé en alcool, pute, et bouffe. »

Il te dévisage quelques secondes. Il déteste un homme pour l’avoir condamné à être ce qu’il est. Mais il se déteste aussi pour t’avoir condamné à cette vie… qui pourtant semble t’engourdir d’une joie toute particulière. A croire que tu te sens intouchable, si puissant d’être un loup, l’amant de cette lune, maîtresse de toute une vie.

Il reste silencieux quelques longues secondes avant de consentir à attraper le verre de whisky, meilleur breuvage, pour sûr. Il garde le verre levé, la main en suspension, mélange légèrement le liquide d’un mouvement du poignet et demande : « Qu’est-ce qui t’amènes, gamin ? »  Pourquoi tiens-tu tant à le retrouver ? Lui qui a le sceau au poignet, lui qui n’est qu’un animal encore une fois en cage. Une cage plus grande, plus confortable mais une prison tout de même.

Se regarder en face. Tu ne lui en veux pas pour cette erreur, non, tu aimes ce que tu es devenu. Et il n’arrive pas à comprendre comment est-ce possible ? A quoi ressemblait ta vie, avant ça ? Perseus est empli d’amertume à ce propos, quand bien même a-t-il embrassé pleinement la bestialité de sa condition. Néanmoins, il sait ce qu’il a perdu. Et parfois, il voit bien que cette vie ne lui aurait pas apporté ce qu’il désire aujourd’hui aussi, mais elle aurait sans doute été plus simple, sa liberté aurait été factice, mais un peu plus grande encore. Un repos différent.

La langue glisse sur ses babines sèches, avant qu’il ne vienne descendre la moitié de son whisky avant de reposer son verre. Il fait ensuite signe au tavernier pour une autre assiette pour lui, et une pour toi. Il ne te pose pas la question, il n’a pas besoin de la réponse. La lune commence à s’arrondir dans le ciel, il sait que tu as tout aussi faim que lui. Et quand bien même n’est-ce pas le cas, ton organisme à besoin de protéines animales. Car bientôt tout ton être va se déchirer, tes muscles éclater et se reconstruire. Il n’y a rien de pire que cette transformation, rien de pire que mal se nourrir et rester alité car tu n’as pas pris soin de t’alimenter. Il a connu ça, trop souvent dans les arènes. Heureusement qu’il apportait suffisamment de gallions pour que les odieux maîtres se préoccupent de son sort.  « Qu’est-ce que tu prépares comme connerie, encore ? » Il laisse son dos imposant se poser sur la banquette derrière lui et il t’observe pleinement, de ses orbes glacées.

La vague ivresse d'Eli le pousse à sourire de toutes ses dents lorsqu'il considères assiettes déjà englouties, les verres vides, et l'oeil torve - mais pas d'alcool- de Perseus face à lui. Sa réplique le fait éclater d'un rire joyeux "Je te comprends, j'aurais fait pareil." Bon, sauf que d'héritage, il n'y avait point, alors on trouvait les fonds comme on pouvait. "D'ailleurs, j'ai rencontré une hongroise, Magdi, jamais vu de femme aussi affamée. Et aussi souple. Je pense qu'elle te plairait. Je te la présenterais, si tu passe par les faubourgs de Budapest." Désinvolte. Cela, Eli l'a toujours été. "Je suis plus qu'un croqueur de diamants, Dad." C'est aussi un voleur, un escroc et un sacré emmerdeur. S'il était sobre, peut-être que le bohèmien se serait gentiment offusqué qu'on lui prête de si vilaines intentions, alors qu'il est animés des plus pures... non, même lui n'arrivait pas à y croire, c'est dire.

Il boit une gorgée de son verre, savoure la brûlure de l'alcool au fond de son gosier, jusque dans ses tripes. Un des serveurs lui apporte un torchon empli de glace, probablement demandée pendant son passage express au bar. Il l'applique sur sa lèvre fendue avec un grognement de satisfaction. "Je viens de rentrer à Londres. Tu me manquais. Je voulais voir ce que tu devenais." La pure vérité. Même si tout n'était probablement pas aussi simple en réalité. Jauger du devenir de Perseus, c'est jauger un peu de l'état d'une ville. Après tout, il était son plus féroce gladiateur. Du pain et des jeux. S'il combattait encore, Grindelwald tenait sa ville et ses sorciers. S'il s'était fait tuer, règne de terreur sur Londres, et de sacrés  adversaires, pour avoir terrassé le lycan... S'il avait fui... la merde, et sans doute qu'Eliah aurait quitté aussi sec l'Angleterre.

Il baisse la voix, regarde vers le poignet, cherche le sceau dont la presse sorcière, même étrangère, parle tant. "Ils t'ont eu?" Il suppose que oui. Perseus était loin d'être un inconnu du gouvernement. S'il était là et toujours vivant, probablement qu'il avait été marqué. Mais au moins, il avait l'air d'avoir un peu de liberté. Enfin... de latitude de mouvement. Rien de tout ça ne ressemble à la liberté. Un hochement de tête a la commande. Volontiers. De la viande, pour la force. Pour le goût du sang.

Un sourire qui s'étire quand son créateur lui pose la question qui d'ordinaire aurait été suivie d'un air d'ange et de l'explication détaillée d'un plan plus ou moins foireux. "Rien. Encore" Il rit, sort une cigarette à l'odeur sucrée et la glisse entre ses lèvres, l'allume d'un briquet. "Je suis ici pour me faire oublier. Mon nom et mon visage ont tendance a provoquer des ulcères et des crises d'hémorroïdes du côté de la mer Baltique." Il hausse les épaules, rejette une bouffée de fumée, propose le paquet à Perseus et reprends une gorgée d'alcool. Leur fait apporter la bouteille. Tâte sa lèvre du bout des doigts, grimace, et repose son torchon glacé. "Et toi? Raconte. Toujours a l'arène?"

Si tu passes par les faubourgs de Budapest. Comme une envie sauvage que de t’envoyer n’importe quoi dans la face, ou d’attraper ta nuque pour ficher son visage de petit con contre la table ou le mur. Si tu passes par les faubourgs de Budapest ! Comme si il pouvait voyager comme bon lui semblait ! Il lui fallait une autorisation formelle et écrite de son cher et tendre maître, qui n’est autre que Gellert Grindelwald pour quitter Londres, alors l’Angleterre ?! Qu’est-ce qu’il t’en foutrait des baffes. Mais à la place de ça ? Il grogne simplement, dépité et ronchon de cette triste réalité. Malgré tout il t’envie, mais il n’a pas envie d’y penser maintenant. Il doit se contenter de son sort, il a déjà bien plus de liberté qu’autrefois, bien plus. Une liberté qu’il se doit d’apprécier et y rendre honneur. Et c’est exactement ce qu’il fait maintenant. « Mmh… C’est vrai que la catégorie noble frustrée sexuellement commence à être lassante… » Toujours les mêmes, celles qui lorgnent sur lui lorsqu’il accompagne Gellert Grindelwald. Celles qui sont fascinées, effrayées et excitées, celles qui pensent pouvoir tout s’offrir, qu’il ne refusera jamais. Il pourrait, mais cela l’occupe, l’amuse. L’amusait. Elles sont fades, inintéressantes, et pour certaines absolument pas expérimentées. Juste effrayées par la réalité de ce que pourrait être du véritable sexe. Ses pensées coulent un instant vers Graal Grindelwald. Dans quelle merde s’est-il encore mis. « Un croqueur de diamants, emmerdeur de première, donc ? » Il est cynique, mais foncièrement pas méchant. Simplement trop désinvolte envers sa propre vie, et incapable de réellement profiter et savourer de l’instant présent lorsque les rappels à sa réalité et au sceau sur son poignet, sont trop présents. « Et je ne suis pas ton père. » Il déteste lorsque tu l’appelles ainsi, lorsque tu lui acceptes cette triste vérité, qu’il n’est pas mieux que celui qui l’a malédié. Il a honte, c’est gravé dans sa chair.

Gladiateur de Londres. C’est l’étiquette qui est encore collée sur son visage. Après tout, il a été le visage des arènes pendant trop longtemps, tant d’années. Longtemps seulement sorti pendant les pleines lunes, c’est après une bagarre sanguinaire dans les coulisses qu’ils ont fini par le faire sortir aussi les autres jours. Lorsque Barty Croupton a commencé à miser sur lui, et à le laisser lui et d’autres manger davantage, s’entraîner. En faire des bêtes entraînées, à orchestrer la suite, à créer des histoires, des intrigues sanglantes pour ce peuple affamé de guerre qui payait pour venir observer le sang couler.

Tu souffles qu’il te manquait, et il proteste, toujours aussi cynique : « Mais bien sûr. Personne n’y croit. » Pas qu’il n’a pas envie de faire dans l’émotion…. C’est qu’il a presque oublié comment faire, comment ressentir autre chose que ces choses si violentes qui l’ont bercé pendant presque toute sa vie entière. Il refuse d’être un repère, ton repère, un pilier ou un refuge. Il reste simplement cette bête qui parfois est sanguinaire, monstrueuse, hors de contrôle.

La première question tombe. Il ne répond pas. Il l’évite en t’en posant une autre, pour savoir ce que tu fais ici. Il te fixe, de ses yeux clairs, mais sombrement emplit, t’observant presque gravement. Il grogne pour toute réponse. Tu t’es encore fait des ennemis, qu’importe où tu passes. Cela ne l’étonne pas vraiment.
Le loup attrape le paquet de cigarette et en attrape une. Il garde un souvenir de cigare cubain dans la bouche et l’esprit. C’est différent. Il inspire profondément, soupire à ton autre question. « Non. » Il n’est plus à l’arène. Sa condition est meilleure sur certains points…. Et d’autres ? « Un type est venu me faire libérer. » Il hausse légèrement un sourcil. Laisse le serveur déposer leurs assiettes sanglantes devant eux. Il attrape ses couverts, commençant presque à se venger la pièce de boucher devant lui. « C’était trop beau pour être vrai. Quitter l’arène. Tu aurais vu la gueule de Croupton… » Ses lèvres se tordent dans un rictus mauvais avant qu’il n’enfourne une grosse fourchée dans sa bouche. Il mastique, déchire les fibres entre ses crocs, se délecte du sang qui coulent contre sa langue et son palais. « Mais c’était pour m’emmener vers Grindelwald. » Le sceau il est là, sur ce poignet. « Protéger notre illustre leader. » Il lève les yeux au ciel. Ce qu’il passe sous silence c’est qu’il connaissait cet homme, ils ont été amis à Durmstrang, et s’il a fini dans les arènes, c’est aussi à cause de lui. « Serment inviolable et le sceau. » Voilà où il est ton père. Celui qui voudrait fonder une meute et être libre loin de tout, avec toi. « C’est la merde ici. »