le chant du loup (icaylla)

le chant du loup

il n'y a rien de plus dégoutant qu'un bijou. ça ne sert à rien. et ceux qui les portent n'en ont pas besoin, moins besoin que n'importe qui. / @icarus goyle

L'image la hante.
Médaillon crypté aux graphismes étrangers, elle creuse les méandres de son esprit à la recherche de quelconque inspiration, mais rien n'y fait : elle n'a jamais rien vu de tel. Pourtant, Scylla connait des choses, s'intéresse, apprend, de sa bibliothèque majestueuse. Apparemment, on ne trouve pas tout dans les livres.

On l'a réquisitionnée à Ste Mangouste, dès que son état s'est stabilisé après le mariage. Malgré sa perte de magie indéniable, elle sait se rendre utile pour calmer les âmes orageuses. Fabriquer des potions calmantes reste dans ses cordes, et ce n'est visiblement pas de trop - autant pour patients que professionnels. L'hôpital en effervescence, on court de tous les côtés depuis trois jours. Difficile de devenir terriblement banal, dépourvu de magie. Scylla ne s'y fera certainement jamais, baguette toujours coincée dans un pli de vêtement. Si elle n'a jamais été une femme d'action, de sorts d'attaque ou de règlements de compte ; il faut bien avouer que la magie simplifie drôlement la vie.

L'impression que tout lui file entre les doigts, dernièrement.
Sa magie, sa famille.
Son mari et sa terrible rage au ventre, entrainant leur aîné dans cette fantaisie.
Rickon, pépite incomprise, à la volonté de bien faire, ses crises nocturnes l'angoissent autant que les siennes.
Sa nièce, Prudence - si toutefois elle est toujours en vie.
Son humanité, ternie à jamais par les caprices de l'astre lunaire.

« Madame Potter, on a besoin de vous aux expérimentations. » La voix la sort de sa réflexion. Les expérimentations ? Dans un hochement de tête, elle comprend rapidement la vérité sous le mot. Nés-moldu comme rats de laboratoire pour contrer ce terrible poison, on tente le tout pour le tout sur la chaire à canon. Mieux vaut eux qu'elle, pense Scylla secrètement avant de s’engouffrer dans l'aile. On l'interpelle, lui demande conseil - son expertise semble rassurer plus qu'orienter, tout le monde ici est d'une compétence sécurisante.

Soudain, le temps s'arrête, au détour d'un couloir où la vision de l'accessoire s'impose à elle. Aucun doute. C'est le médaillon qui tourmente ses pensées, dévore sa tranquillité. Paralysée, les yeux vitreux et la respiration saccadée, on la bouscule sans s'excuser - ne restez pas plantée là ! Alors elle se mouve tout contre le mur, gamine apeurée, espionne indiscrète. L'homme pourrait avoir quarante ou quarante-cinq ans. Brun, élancé, lunettes carrées décorent son visage. Médicomage à l'allure professionnelle - rien qui ne pourrait d'apparence le trahir.
Hormis ce médaillon qui se balance autour de son cou.
La faille.
Elle s'approche, louve tapie derrière l'assemblée de témoins, zigzaguant entre sorciers et moins sorciers, cherchant du regard son bourreau avec appréhension. Elle le sent alors que leurs auras bestiales se rejoignent dans le même périmètre. C'est lui. Connexion inattendue, yeux écarquillés face à l'homme qui n'a, soudain, plus rien d'un criminel. L’œillade est presque sincère. Un interne s'éloigne. « Je... Excusez-moi de vous déranger. » Commence-t-elle en feignant une assurance habituelle. Elle est désorientée, haine et crainte se mélangent à une curiosité désespérée. « Ce médaillon est-il votre propriété ? » Demande-t-elle avec un peu plus de conviction. Puis, relevant le regard vers cet homme. « Je crois que nos chemins se sont déjà croisés. » Vérité assourdissante qui résonne dans ses tempes.

le chant du loup

il n'y a rien de plus dégoutant qu'un bijou. ça ne sert à rien. et ceux qui les portent n'en ont pas besoin, moins besoin que n'importe qui. / @scylla potter

Quatrième étage. Département des expérimentations moldues. Vêtu d’une blouse blanche entachée ça et là de carmin séché, le docteur Goyle scrute calmement l’oeil d’une patiente. Le geste est précis, mesuré, rapide. L’Asclépios se détache rapidement d’elle et l’observe sans émettre un mot. Sujet numéro quarante-sept. Encore une sorcière à qui le drame a arraché la magie. L’hécatombe est telle que l’irlandais ne s’attarde plus à la conversation qu’il entretient habituellement avec les malades. Lui aussi touché par le poison, il refuse d’entendre un nouveau récit de vie brisée par l’évanouissement, ou plutôt le cloisonnement de la magie, qu’il perçoit encore s’agiter sous son microscope. Figée entre les cellules ardentes de la peste moderne. Ré-ajustant ses lunettes rondes, il se redresse et fait signe à la sorcière de disparaître. L’oeil fatigué parcourt Un parchemin. La plume glisse et l’encre se mêle aux tâches d’ichor. Rédigeant un rapport sans grande ambition, un soupir quitte les lèvres du lupin. Examiner les souffrants est toujours plus apprécié que de devoir injecter toutes sortes de potions aux nés-moldus, rouages malheureux de la Coalition sorcière qu’il sert malgré lui. Le médicomage psychotique s’éloigne de l’allure de Victor Frankenstein, décidée pour lui par Grindelwald en personne, et le reste de sa famille. Couchant sur le papier des dernières observations, il scelle le dossier et s’aventure dans les couloirs froids du ministère, ses pas retentissants dans la bâtisse dans un bruit sourd.

L’assistant le suit et s’évanouit dans la foule. Il arpente le corridor, valsant entre les corps, toujours trop nombreux, de l’étage tenu par Dumbledore qu’il évite comme la peste de peur de se voir assigner une nouvelle victime à torturer. Il s'apprête à déposer le fruit de son labeur sur une pile de documents adressée à la femme du ministre lorsqu’une voix féminine l’interpelle. Je... Excusez-moi de vous déranger. Arquant un sourcil, Icarus lève le visage et inspecte brièvement son vis-à-vis dont il ignore encore tout.

“Bonjour ?” La docilité de la réponse contraste avec le rôle de bourreau qu'on lui a assigné, et l'accent de l’île d’émeraude se mêle à une coloration sudafricaine qui surprend l'oreille.

Son regard, d’une douceur naturelle, trahit la surprise dès lors qu’il capte l’aura animal de son pair. Ainsi, deux esclaves de l’astre lunaire se rencontrent.

Ce médaillon est-il votre propriété ? La question le fige soudainement. Le médaillon est un cadeau de la mère de son enfant. Un bijou africain qu’il perd souvent lors des pleines lunes, et qu’il cherche souvent durant plusieurs heures avant de remettre la main dessus. Je crois que nos chemins se sont déjà croisés. A ces paroles, Icarus reste interdit, refusant de croire à ce qui deviendra bientôt une évidence ; Sa propre créature se tient face à lui. Un monstre créé par des griffes acérées et aveugles de toute humanité.

Lui intimant de le suivre jusqu'à son bureau, il attend qu’ils soient seuls avant de s’adresser à elle : “Docteur Icarus Goyle.” Souffle-t-il à demi-mots. “Ce médaillon m'appartient en effet. Qui êtes-vous ?”