L’idée a traversé l’esprit, un jour et depuis, elle continue, le vieil ouvrage prit dans la bibliothèque de la maisonnée. L’idée est mauvaise, certainement, totalement, pourquoi ? Non ? Elle ne sait plus, ne sait pas, l’idée trotte, ne sort plus vraiment de l’esprit, continue encore et toujours. La voir, la revoir, savoir ce qu’il en est. L’avantage de la position, les informations facilement accessibles, assez pour en apprendre assez sur la proie, pour décider de la meilleure manière de l’approcher, de l’apprivoiser de découvrir bien davantage sur elle, sur les souvenirs qu’elle garde toujours de l’enfant… La pigmentation de la peau devenant plus évidente maintenant. Comment a-t-elle pu passer à côté ? Sans nul doute l’envie si forte d’être la mère de cet enfant, de voir son avenir s’écrire au côté de l’être aimé. Les pensées ridicules d’une jeune fille en fleur bien loin de savoir, bien loin de comprendre la réalité de la vie, de savoir que tout ne peut que mal se terminer, que le futur jamais n’apporte la réponse espérée. Toujours l’éloigner de l’aimé d’un autrefois, d’un temps passé où tout était plus évident, plus facile, mieux préparé où la vie aurait été tout autre mais le destin n’était point de les réunir non. Il appartenait à cet autre, cette femme partie trop tôt et le fruit de l’union vers lequel les pas là dirigent sans attendre. Elle ne devrait pas tenter cela, s’immiscer de la sorte, agir de cette manière, en aucun cas mais quel choix lui reste-il quand les complications sont trop grandes, quand elle se refuse à questionner l’être dont elle ne sait quoi penser. Toujours la même valse de souvenirs, de ressentiments, ce tout tellement prenant mais pas pour l’enfant. Non, elle ne peut la haïr, jamais tant le souvenir est précieux, tant elle l’a imaginée dans ses entrailles finalement. Réalité différente, opposée mais impossible de ne point la continuer, impossible de ne pas s’y laisser aller au moins rien qu’un peu. Tintement de la sonnette, la voilà, la reine mère du régime. Entrée directement dans la boutique, ne point mettre longtemps à observée la beauté, oh oui, elle ne peut cesser de regarder les traits dans le lointain, d’observer les capacités certaines. Doucement, tendresse presque maternelle et questionnement certain. La génératrice avait-elle cette même aura ? Est-ce cela qui a fait craquer le l’amour premier ? Soudaine remise en question, avance vraiment la bonne idée ? Impossible de ne pas tenter, de ne pas au moins essayer, de ne pas au moins emporter l’idée, dans le lointain, rapidement, vivement, surtout, sans s’arrêter en aucun cas. Et les pas approchent, les pas arrivent là, à la hauteur de la poupée, de la jeune fille, de la beauté. « Bonjour, j’ai retrouvé un livre dans des runes anciennes que je ne sais traduire. J’ai entendu le plus grand bien sur vos traductions. Pourriez-vous y jeter un coup d’œil ? » Léger sourire ne nullement lui faire remarquer la vérité, ne nullement lui avouer qui elle est, ne pas détruire la couverture qui ne fonctionnera qu’un temps, elle le sait mais cela suffira jusqu’à ce qu’elle sache quoi penser de cette fille dont elle aurait tant aimé être la mère…
Une journée à Fleury & Botts. Une journée à trier des ouvrages, étiqueter, ranger. Tenir la caisse, sourire, échanger quelques mots. Conseiller parfois, quand personne d'autre n'est disponible. Alecto n'est pas vraiment une employée. Surtout une petite main dont on a eu pitié, qui se fait quelques livres de temps en temps en travaillant pour remplacer un régulier, ou en extra les jours de grand passage.
Mais aujourd'hui, la boutique est calme. Quelque part à l'arrière se cache le libraire. Personne, à part elle. Alecto est perchée sur une échelle, range quelques nouveaux livres en rayon. Bottines à petits talons, robe longues, manches longues, col droit, guindée, guindée, guindée! Il faut cependant faire bonne figure. Il s'agit de ça, de toute manière, non? Paraître! Pas être.
La clochette à la porte tintinnabule. Avec précautions, la métisse descend de sa tour d'ivoire et pose les livres restants sur le comptoir. Elle lisse le tissu de sa robe, cache le chiffon à poussière passé à sa ceinture, qu'elle a utilisé plus tôt sur les rayonnages. Un sourire. "Bonjour!" Et elle se fige un rien, pas assez ostensiblement pour que cela soit pris pour une insulte, mais sans doute trop pour que cela passe inaperçu. Cette femme. Ce visage. Ou… qui…?
La soirée. Tout lui revient. La femme à la soirée, cette coupe de champagne que son père lui a tendu, obnubilé par le visage de cette femme. Le visage, revu au hasard d'un journal abandonné sur un comptoir. Bathilda Bagshot. Toujours derrière Grindelwald. Mais d’où vient le regard de son père alors, ça… Elle ne lui a pas posé de question. Le médicomage a aussi droit à son jardin secret. Elle aimerait parfois qu'ils n'aient aucuns secrets l'un pour l'autre… mais cela voudrait lui avouer sa solitude, ses peurs. Le reste.
Alecto revient vite à elle, accentue son sourire, incline la tête. Doit-on faire une révérence, dans ces conditions? Sans doute. Elle tente. Maladroite, malhabile à cet exercice qu'elle ne maîtrise pas… mais pleine de bonne volonté. On lui a souvent répété que c'était l'intention qui comptait… "Oh! J'ignorais que l'ont parlait de moi dans le milieu, je dois dire". Un petit sourire dénué d'arrogance : c'est une sincère surprise qui se lit sur ses lèvres. "Je peux regarder, oui, sans aucuns soucis." La fille de neige et d'ébène sort une paire de gants de peau fine de sa poche et les enfile. Elle ne prends pas de risques, en public. Plus maintenant. Qui sait quand son don encombrant peut se manifester? L'avantage, dans son métier, c'est que l'on croit souvent qu'elle agit ainsi pour ne pas détruire les objets anciens sur lesquels elle travail. Elle caresse la couverture, l'ouvre. "Des runes celtiques, c'est assez classique. Je ne devrais pas avoir trop de problèmes à traduire." Rien de fort mystérieux, non. Pas pour elle. Elle en connait assez sur le sujet… comme beaucoup de traducteurs. Une partie d'elle se demande pourquoi cette femme, qui peut sans doute avoir tous les auteurs et référents qu'elle veut, est venue la trouver elle, petite traductrice sans prétention ni réelle influence à Londres. Mais elle la relègue dans un coin.
"Vous voulez un aperçu dès maintenant, une traduction complète, seulement des passages? C'est uniquement pour vérifier de quoi traite l'ouvrage, ou pour un travail d'étude plus avancé? Pardonnez mes questions, mais plus j'en saurais sur vos besoins, mieux je pourrais y répondre." Un sourire avenant, de nouveau. Qu'importe qui elle est, ses pensées, son avis. Alecto fera de son mieux.
code by EXORDIUM. | imgs by tumblr
Bathilda Grindelwald
coalition sorcière
crédits : corvidae (avatar), alex (gif)
face claim : marion cotillard
pseudo : figaro/amandine
études : poufsouffle 1881-1888
particularité : troisième œil, malédiction des songes, mélange de futur et présent, conjugaison compliquée
Pourquoi venir ? Pourquoi ne pas s’en empêcher ? Non, elle ne le peut, elle a besoin de savoir, de comprendre, elle a besoin de s’assurer de quoi exactement ? Même elle ne le sait pas… La petite fille de la vision, le physique qu’elle ne voyait pas, qu’elle ne voyait pas voir finalement, qu’elle rusait de voir tout simplement… La peau ébène si visible maintenant dans cette vision autrefois si floue…Le masque est tombé, la réalité se présente devant elle en cet instant, tout simplement, elle le voit, l’observe, la sait, l’homme a enfanté ailleurs, une demi-sœur que son fils ne connaitra jamais comme la vérité entourant sa naissance jamais pour le protéger, pour tout protéger, un nom à garder pour ne point le faire devenir bâtard et tellement d’idées ne cessant de venir dans son esprit. La connaitre, un besoin, même si elle existe déjà, vit déjà dans son cœur, dans son être, étrangement finalement. Bonjour prononcé, la petite donzelle qui semble l’observer, un peu, trop ? Elle ne sait, ne veut savoir finalement. L’excuse trouvée, parlait-on déjà d’elle ? Un peu, sans doute moins que ne l’annonçait la matriarche mais elle ne pouvait point laisser la raison de sa venue connue. Avouer des sentiments contre lesquels elle se battait encore, refusait de céder, encore une fois aux tourments du passée. Trop de souffrance, bien trop pour tout cesser d’un coup, tout pardonner, non, elle n’en serait point capable avec autant de facilité… « C’est que vous faites bien votre travail. » Si douce, étrangement, elle n’arrive point à s’en empêcher en cet instant, douceur également quand elle vient lui tendre l’objet, doucement, facilement. Elle l’écoute cherchant pourtant derrière les mots une certaine vérité, un signe, quoi ? Elle ne sait, une réponse à des interrogations certaines… A celles qui hantent son esprit depuis tellement d’années, pourquoi n’était-elle pas sienne ? Cette fille ? Pourquoi les visions lui envoyaient cette autre réalité, alors que son ventre grandissait ? Pourquoi la torturer à ce point ? Non, elle ne le sait finalement, elle l’observe, la demoiselle faire, tout doucement, runes celtiques, traduire, qu’elle le fasse, cela n’était finalement qu’une excuse. « Très bien. » Elle devrait surement la laisser travailler non ? S’en aller maintenant, elle avait eu le loisir de l’observer sous toutes les coutures. D’en apprendre peu mais déjà assez non ? Elle est celle d’une autre, d’une autre vie de l’homme aimé. Le sourire de la jeune fille et les mots qui viennent et tout ce qu’elle ne sait pas finalement parce que tout cela n’est finalement rien, elle ne voulait point ces informations, seulement elle. La voir, la comprendre surtout. « Un petit extrait maintenant et puis une traduction complète par la suite ? » Pour la faire travailler. Pour passer encore un instant en sa compagnie et tenter d’observer sur ses traits ceux de l’homme aimé. Pourquoi est-ce si compliqué ? Pourquoi ? Sans doute parce que la vérité l’est également, il aimait cet enfant, il continue de l’aimer tandis que son fils n’a rien reçu seulement le plus incapable des pères. Elle avait pourtant essayé d’aider, de faire au moins mais non, ce n’était pas cela, elle s’était royalement plantée bien trop finalement…
Alecto ne comprend pas. Ce que la Reine-Mère fait dans la librairie, ce qu’elle lui veut à elle, petite gamine de 22 ans, traductrice sans prétention. Oh, elle a déjà eu du travail, ça oui… Mais principalement via Mrs Shafiq, ou via des chantiers en Afrique. Depuis qu’elle est arrivée à Londres… L’on ne peut pas dire que les clients se bousculent au portillon. C’est bien pour ça qu’elle cumule les emplois à droite et à gauche, histoire de pouvoir aider son père comme elle peut… Son père. C’est peut-être bien pour ça qu’elle est là. Peut-être le connait-elle, peut-être veut-elle le contacter via son intermédiaire ? Difficile à dire. Tout ceci lui paraît tiré par les cheveux. Peut-être que si elle ne comprend pas… C’est qu’il n’y a rien à comprendre. Mrs Bagshot a juste besoin d’une traduction, est venue la voir parce qu’elle a entendu parler d’elle, et a voulu la flatter un peu pour être agréable. Rien de plus.
Parfois, elle réfléchit beaucoup trop, voilà ce que la métisse se dit alors qu’elle se penche sur le livre tendu. La voix de Bathilda résonne doucement à ses oreilles, et il lui semble l’avoir déjà entendue. Il y a bien longtemps. Comme chantant une berceuse, murmurant quelques mots… Elle secoue la tête. Tout est flou : sans doute la fatigue la rattrappe-t-elle. Après tout, c’est bien la première fois qu’elle rencontre cette femme face à elle, qui lui sourit avec tranquillité. Non… En dehors des coupures de journaux et du visage entraperçu à la soirée, elle ne lui dit rien. Elle ne saurait même pas lui donner d’âge. Trente cinq ans ? Quarante-cinq ? Son expression semble refléter les aléas de la vie, mais quelque chose au fond des yeux lui semble décidément jeune… En tous cas, l’enfant de Hluhluwe en est certaine, elle ne l’a jamais vue d’aussi près. Elle opine. « Oui, oui, bien entendu. » Un extrait. Le choisir avec soin. Trop facile, trop dur ?
Elle regarde sans les voir les runes qui s’étalent sur le papier. Au final… Et pour une fois, ce ne sont pas les signes anciens qui l’intéressent. Non… Elle voudrait autre chose. Savoir. En apprendre plus. Pourquoi cette impression de déjà vu en observant son visage, son sourire ? Elle cherche, mais ne trouve pas, ne veut pas abandonner pourtant. « Je vous sers une tasse de thé ? Et nous pourrions nous installer dans l’arrière-boutique, cela sera plus confortable que chacune debout d’un côté de ce comptoir… » Sans attendre la réponse, elle agite la main, fait quelques signes, prononces quelques formules. La bouilloire se remplit d’eau, va se poser sur le feu pour chauffer. Un plateau avec deux tasses et une assiette de shortbreads se dispose, lévitant mollement. Alecto n’a pas utilisé sa baguette, encore peu familière finalement de l’objet qu’elle n’avait jamais utilisé auparavant, conformément aux usages des enseignements de Uagadou. Elle tourne une page, fait venir un parchemin vierge, rassemble encrier et plume. « Venez vous installer ! » La métisse sourit avec naturel, invitant cette femme si distinguée dans une arrière boutique, sans une arrière pensée. Sans se dire que l’endroit n’est pas convenable, qu’elle ne devrait pas se comporter ainsi avec la tante du Ministre. Non… Alecto agit comme il lui vient l’idée d’agir, sans se poser trop de questions sur la bienséance. Après tout… elle a été élevée dans une certaine simplicité, dans un village ou tout le monde la connaissait et ou la réciproque était tout aussi vraie.
La bouilloire se met à chanter, et d’un mouvement de doigt, Alecto l’envoie rejoindre le plateau sur une petite table de bois qu’elle vient essuyer. « Que voudriez-vous ? Je vois du earl grey, du thé russe aux agrumes… Oh, un peu de Darjeelig floral. Je suis désolée, nous n’avons pas grand choix, disons que la salle est surtout utilisée pour les employés… » Elle sourit. Sincère. Lui offrant toute la gentillesse dont elle est capable. Pourquoi en serait-il autrement ? Et doucement, s’installe face à elle, gants toujours aux mains, livre ouvert, commençant à traduire les runes qu’elle comme un second langage, tout en observant Bathilda à la dérobée. Et, à un moment… elle n’y tient plus. « Veuillez m’excusez, Mrs Bagshot, pour mon impolitesse… Mais le nom d’Icarus Goyle vous parle-t-il ? »
