Tempête qui détruit tout, l’ouragan qui emporte les sentiments sur son passage, les frappant de ressentis et de souvenirs tourmentés. Les mots qu’on ne veut plus jamais imaginés, pourtant hurlé, crié au coeur déjà brisé, dont les morceaux sont éparpillés au sol, tapis capable d’entailler le moindre bout de peau visible, s’enfonçant jusqu’au tréfond de l’âme, pour rendre indélébile, inoubliable, la blessure pourtant invisible à l’oeil nu. Le vent qui balance tout, même les ancrages qui s’étaient posés suite à ce qu’ils avaient construit ensemble. Il n’y a plus d’ensemble, il n’y avait plus qu’une pile de mémoires mal organisés, et des émotions fragilisées sur le côté, qu’on ne savait plus vraiment comment assembler. Tout n’était que parsemé, dans les méandres de leurs coups réciproques. L’abandon d’une relation imaginé, espéré, surement trop parfaite pour la réalité. L’amour aussi simple, aussi facile, n’était pas réel. Là était une certitude.
Les syllabes qui blessent encore quand elle se les remémorent. Chaque mot devient poignard, elle doit se souvenir de respirer profondément pour ne pas hurler, s’effondrer dans un torrent de larmes, transformer la tempête en tsunami, ce qu’elle serait capable. Pour une fois, sa magie ne prend pas le dessus, elle reste simplement assise, immobile, alors qu’elle voudrait se cacher sous des draps de soie pour pleurer un peu, encore. Se libérer du poids trop grand qui l’afflige, parce qu’elle s’est dessinée un homme parfait, quand il est plein de failles, et de souffrances, qu’il sait aussi reporter sur elle.
Elle n’est pas sûre de ce qu’elle a fait. L’a-t-elle fait, d’ailleurs ? Rien n’est moins sûr.
L’espoir de ne pas être une meurtrière pèse dans la balance de la fierté d’avoir repris sa vie en main : Pour une fois, maîtresse de son destin, d’une façon bien funeste, mais efficace, c’est indéniable. Pas de fierté à avoir tué un homme, cela serait terrifiant, et Théa n’est pas foncièrement mauvaise, n’est ce pas ? Mais quand on vous vole une part de vous dans la nuit, on rend coup pour coup, pas vrai ? Parce qu’elle se souvient de tout. De chaque moment, et c’était terrifiant. L’ombre constante sur elle, la force exercée sur son pauvre corps, et l’affreuse idée que même son corps ne lui appartenait plus. Bientôt, son esprit aussi ? NON. Alors, elle avait agit, avec ce qu’elle maîtrisait le mieux : sa magie. Compétente sorcière, c’était sa baguette et ses incantations qui la sauvaient de tous les coups du sort. C’était de l’ordre de l’évidence. Vendetta appliquée sans savoir si elle prendrait effet. Mais les coïncidences étaient trop grandes. La preuve que son méfait était presque accompli, sa carcasse protégée des assauts dramatiques du monstre qu’elle avait pour mari.
Mais s’était-elle fiancée avec un monstre différent ? Qui lui infligerait d’autres traumatismes que ceux d’Arctus ? Atlas était-il vraiment celui qu’elle pensait ?
Un homme vous aime-t-il s’il vous dit des phrases aussi traumatiques ? Vous juge-t-il ainsi ? Vous dénigre t-il ainsi ? La nausée qui la frappe, à nouveau, et ses pensées tourmentées qui ne veulent pas se calmer. Elle tient à peine sans tomber, entre le sommeil et le malaise des bouleversements qu’elle a ressenti. Son maquillage a coulé sur ses joues de poupée, et elle doit avoir une tête terrifiante. Elle qui apporte tant d’importance aux apparences, se retrouve dévisagée par le simple passage d’un gamin dans sa vie bien établie. Par sa seul faute, il a renversé tout ce qu’elle avait dessiné avec Atlas, par son simple souffle et sa présence agaçante. Enfant insupportable, pas assez fort. Elle prit le parti de le haïr, sans justice.
“Je crois qu’au final, on ne sait pas vraiment qui est l’autre.” C’était peut être un erreur. Une grossière erreur. Les mots de celle qu’on arrive pas à arrêter le flot de parole ne sortent pas, coincée au milieu de la gorge, pour former une boule douloureuse. Elle n’ose pas regarder dans les yeux son fiancé. Parce qu’elle a ce secret au creu du ventre, qui la rattachera à jamais à Atlas. Même sans la bague qu’elle portait au doigt, elle était coincée. Coincée, avec celui qu’elle ne connaissait pas si bien que cela. L’amour en accessoire, les blessures comme étendard, plus rien pour la sauver. Enfermée dans une cage dorée. Encore.