A porté des mains (Gellert)

 Le feu crépite, nuances de son quand il s’embrase dans la cheminée ornée d’arabesques serpentines, il y a des serpents qui sifflent et grouillent dans les étagères, sur les meubles, et l’homme habillé d’un costume à cette heure tardive, le silence tout autour qui règne sur ses souvenirs, il est énervé, seules ses mains rongées par la colère s’emportent vers les poings, deviennent rigides, assoiffées par le désir d’une pulsion pour exorciser la tête du patriarche aujourd’hui croulant, gisant dans un lit. Tout à l’heure, il lui a interdit de parler, d’un sortilège lui enlevé la langue, pour toute la vulgarité que tu as semé tout au long de ta vie, Père. Et il était parti dans un mouvement de cape, laissant derrière lui la charogne agonisante d’un homme et sa honte pour compagnie.
Dans le salon chaleureux, aux teintes d’or et de verts, les ombres de ses bêtes reflètent leur écaille sur les murs tapissés de figures, il a changé le macabre pour des nus classiques, des scènes mythologiques où Viviane et Merlin s’enlacent, elles changent, apparaissent alors des vertiges violence, des chasses où les corps amassés, collés se dressent devant des animaux tués, ravagés, ils ont le visage d’êtres humains mais les jambes comme des pattes, êtres hybrides et détestables. Miraj avait chuchoté près de lui qu’elle ne supportait pas son esprit, qu’il avait en lui l’horrible terreur qui germait les meurtres et cautionnait l’inadmissible. Es-tu partisane de la réforme du gouvernement actuel, elle avait nié, elle avait menti, sachant qu’il l’aurait enfermé pour toute contradiction à ses envies. Assis, il ouvre la porte, la magie retentit, celle du courroux, celle du repentir, son frère, il l’avait abandonné lors de son adolescence, préférant fuir les babines retroussées de son père qu’il haïssait.  « Gellert.» Un salut amical.
Il se lève, tend la main.  « J’aimerai te parler de mon frère, j’ai entendu dire que le rôle du chef des aigles était à pourvoir. Amos pourrait y prétendre. » Jamais il ne s’est encombré de politesses inutiles ni de conversations brouillonnes.  « Bien évidemment, si tu lui accordes ce privilège, j’ai de quoi, certainement, payer ma dette. » Et il allume une cigarette, présente la boite de fer à cet ami qu’il estime.

 L’été battait son plan, une atmosphère et un air lourd planait sur l’angleterre, quand bien même le soleil avait tiré son rideau depuis quelques temps déjà, laissant place a la lune et aux secrets qui prenaient part quand la nuit tombait. Le vent faisait claquer la cape du sorcier, alors que ses chaussures cirées frappaient le sol pavé de Londres, ayant quitté le ministère, le sorcier disparaissait alors dans un bruit habituel, ouvrant alors les yeux sur les rues vides de Godric’s Hollow, il les connaissait par coeur ces rues, pour y avoir passé tant d’années, alors les pas étaient habituels, presque automatiques, passant près de la maison qui avait vu naître les flammes d’un amour pour le phénix, amour qui brûlait toujours, quand bien même la vieille bâtisse des Dumbledore était occupée par de nouveaux propriétaires. Pour l’instant, il comptait bien la leur racheter, l’offrir à Albus si le temps le lui permettait. Il glissait ses bras dans les poches de son pantalon, la main droite glissant naturellement sur le sureau qui logeait à ses côtés. Il soupirait, avant de continuer son chemin, jugeant préférable de ne pas massacrer les occupants pour récupérer le bien, il continuait son ascension dans le village de Godric’s Hollow, cet endroit où étonnamment, il se sentait chez lui, lui le bulgare d’un village moldu marin et dégueulasse, il avait fait de Godric’s Hollow son foyer, dans les reins et les soupirs d’un de ses résidents chéris.

Il avançait jusqu’à la demeure modeste des Gaunt, ses yeux s’attardant sur la bâtisse. Il restait a l’extérieur quelques secondes, Elvis voulait le voir, et s’il se réjouissait de voir celui qu’il considérait comme un de ses plus proches amis, il ne pouvait s’empêcher d’avoir des frissons près de sa maison, grimaçant avant de passer les grilles qui le séparaient de la demeure, il avançait calmement au son des pieds s’enfonçant dans le gravier. Il avait beaucoup entendu parler des Gaunt, leur histoire s’inscrivait profondément dans la mémoire sorcière britannique, des racines solides d’une pureté irréprochable, et cette famille l’avait toujours fascinée, elle venait d’un monde qu’il voulait retrouver, où les sorciers n’avaient cure de dominer, saisir ce qui leur appartenait. Il admirait cette famille, presque autant qu’il la craignait, pas par peur non, il pouvait rayer leur nom des livres a sa guise, plus part respect, et par besoin, les recherches sur la pierre ne cessaient de le ramener aux Gaunt. Et ce soir, il saurait ce qu’il avait besoin de savoir, il se présentait face à la porte. Il soufflait légèrement alors que la porte s’ouvrait, pénétrant dans l’antre du serpent, immédiatement l’oreille captait les sifflements qui emplissaient la pièce, les yeux attirés par les reptiles rampant contre les murs, en attrapant un délicatement, il le glissait sur son bras avec un sourire joueur sur les lèvres, le posant contre un meuble il avançait vers le Gaunt. « J’aimerai te parler de mon frère, j’ai entendu dire que le rôle du chef des aigles était à pourvoir. Amos pourrait y prétendre. » Le ministre souriait doucement, serrant la main de son hôte avec un sourire léger, la baguette claquant pour fermer la porte après lui. Il s’avançait vers la cheminée, s’asseyant sur un fauteuil, s’installant sans cure des protocoles qui n’avaient lieux d’être entre les vieilles connaissances. « Bien évidemment, si tu lui accordes ce privilège, j’ai de quoi, certainement, payer ma dette. »

Le sorcier récupère une cigarette l'allumant de sa baguette en tirant une bouffée de fumée ”Toujours les affaires mon ami, mais on ne parle pas affaires sans un verre.” Le bulgare secouait sa baguette, sortant de sa mallette un des meilleurs scotchs qu’il avait pu trouver pour cette rencontre. Parce qu’elle allait tout décider. ”Je pense pouvoir intégrer ton frère a mon escouade d’aigles personnelle. Si toutefois il en a les capacités, ce dont je ne doute pas.” Il claquait le sureau, servant deux verres avant d’en saisir un et le porter a ses lèvres. ”Quand a ta dette, tu pourras la payer plus tôt que tu ne le penses. Il se trouve que ta famille est au centre de mes recherches Elvis.” Il tirait de nouveau sur la cigarette crachant un volute de fumée, un serpent s’approchant alors, rampant sur son bras, il glissait sur l’animal une caresse légère. ”Que sais-tu de la Pierre de Résurrection Elvis ?” Il glissait le verre à ses lèvres avant de le poser sur une table, laissant la brûlure habituelle parcourir son corps dans un frissons léger.

  La bouteille de scotch verse le liquide ambré dans le cristal tandis qu’Elvis Gaunt prend ses aises, ses muscles se détendent, il se sent en sécurité, rarement encore a-t-il pu s’enjouer de cette sérénité près d’un autre que lui, Gellert, bien qu’il ne le connaisse pas intimement, prend déjà dans ses réflexions une place grandissante.  «La meilleure du marché. » Le verre se remplit déjà, et il hume le parfum légèrement incendié d’un alcool savoureux, il sourit, langoureusement assis dans son fauteuil profitant du bruit crépitant dans la cheminée, un feu embrasant les bûches tout de suite apparaissant pour remplir le manque. Et les serpents qui sifflent dans un écho d’ombre.  « Je te l’offre » dit-il dans un murmure. Il est petit, fait la taille d’un poignet, vert et argent, une femelle n’ayant encore eu de sentiment amoureux, pourtant, lorsqu’elle se love dans la manche, Elvis n’a plus de doute.  « Elle t’aime » Dans un petit rire rocailleux qui s’éteint lorsque le sorcier acquiesce et offre une place au ministère pour le cadet.  « Serait-ce exagéré si je suggère le poste de commandant des aigles ? Amos est un être fiable, sérieux, je réponds de lui et prendrais la responsabilité de ses erreurs si jamais il en fait, ce qui m’étonnerait sérieusement et mettrait en doute ma capacité à bien l’éduquer. »
Son hôte adopte le ton de voix basse, celui des secrets qui se murmurent du bout des lèvres, celui de la sensualité de la convoitise, quand il nomme les Gaunt, Elvis fronce les sourcils, réflexe protecteur de sauvegarder la réputation, de la dorer, de se souvenir aussi. Quand il pense aux Gaunt il pense à Salazar et l’admiration se teinte de tristesse, les doigts fourragent sur le cuir du fauteuil comme s’il souhaitait le déchirer.  « Ce que les autres en savent. La pierre de résurrection fabriquée par feu notre ancêtre, les branches qui ploient et laissent passer trois générations de sorciers à l’opposé. Les Peverells qui ont donné naissance à Salazar et Salazar aux Gaunt. Arbre généalogique que j’ai modifié en basilic. Suis moi. » D’un mouvement tendu il se dresse, se dirige, hypnotisé vers cette œuvre monstrueuse. Elle envahit les murs, elle envahit les stries, elle envahit le plafond jusqu’aux lustres éclairant les ténèbres des tapisseries, en argent baigné dans l’or, elle envahit les yeux, elle séduit le regard. Et les noms, tous les noms, construisent des générations.  « Ma plus belle oeuvre » Il omet de dire que Miraj a dessiné et construit les plans, qu’elle a classé et distillé les informations, qu’elle a traduit des textes de ces manuscrits vieux de centaines d’années, des manuscrits abandonnés dans le grenier avant qu’Elvis vienne les récupérer.  « La pierre est porteuse de malédiction. » Songeur, il cherche, fouille, dans l’arbre se trouve la réponse.