tapis de sang recouvre l'ennuie | A. & I. Goyle

Son bras accroché au sien comme pour s’ancrer, pour ne pas s’évader du présent. Il est celui qui calme la tempête, la sauve sans le savoir et elle ne l’en trouve que plus beau encore, même quand ses yeux se font le portail de son enfer. Maudit éternel sous l’astre pâle. Contre lui elle sourit toujours, amusée, captivée. Ils déambulent tous les deux dans Londres, laissant dans l’ombre, un moment, ce qui les a amenés sur le sol anglais. Il lui montre tout de ces dédales emplis de son passé juvénile. Il veut lui faire aimer cet endroit qui pendant un temps sera leur… peut-être pour toujours, même s’il ne veut pas l’avouer. Renforce continuellement la tour protectrice qu’il lui érige. S’en veut de ce qu’on l’a déjà effrité. S’il savait ce qu’elle s’emploie à lui dissimuler, il s’en voudrait tellement. Pauvres idiots qui cherchent à préserver ce qui leur échappera, sans conteste, tôt ou tard. Presque le quart d’un siècle, toute sa vie à elle, qu’elle ne connaissait que les sols arides de l’Afrique du sud et devait à présent s’acclimater à ce pays. Pour lui elle le pourrait, elle le devait.

Leurs pas les menèrent lentement vers un endroit qu’ils n’avaient encore visités. La foule plus familière n’était alors plus que celles des sorciers qui s’entassaient, s’agglutinaient, trépignaient.  Son regard croise celui de son père, l’interrogeant avant d’échapper à son étreinte et de s’avancer, seule. Sa silhouette ondulant entre ceux qui forme un attroupement, elle jette un coup d’œil à son père loin derrière, lui faisant signe de la rejoindre avant de poursuivre sa progression sans l’attendre. Franchissant le point séparant ce que les êtres dépourvus de magie et les siens pouvaient percevoir, se dresse enfin l’arène monumentale dont elle avait entendu parler. Sa tête se met à tourner et déjà elle sent les visions se profiler. Depuis qu’ils s’étaient établis en Angleterre celles-ci n’avaient fait que redoubler d’intensité. Ses poumons s’emplissent avec intensités comme si cela pouvait l’aider à s’agripper à cet instant. Elle tait les sons d’ailleurs, elle occulte ce qui n’est pas encore.

Décidée, elle se dirige vers ce qui s’avère être une billetterie et souhaitant affronter la réalité de la terre qu’elle foulait, elle se saisie des tickets qu’on lui offre moyennant finance. Le sol sous ses yeux se couvre de sang et elle se mord la langue pour échapper à la vision qui lui vient quand dans la foule au loin elle aperçoit le corbeau des cheveux de son père qui ne serait se confonde à ses yeux même parmi l’essaim de sorciers qui l’entourait, virevoltant dans une cohérence qui leur appartenait. Elle fixe son père tente de s’accrocher au radeau qu’il représente. Quelques secondes encore, quand il sera à ses côtés elle en est sûr, tout reprendra sa place. Sa tête tourne à lui en donner la nausée, elle se mord les lèvres pour s’empêcher de vomir et avance fébrilement une main vers son père qui s’approche.

« Je veux voir ça »

Elle sait qu’il ne peut pas comprendre, il a beau lire en elle, il est difficile de suivre tout ce qui emplit sa psyché compromise. Elle tend à s’ouvrir à bien des choses qui ne peuvent que lui nuire, à s’aventuré où le funeste se trouve, mais c’est parfois à raison, du moins à celle qu’elle se trouve comme en cet instant.