(avril 1914) I think you travel to search and you come back home to find yourself there. (albus)

Un soupire s’échappe de ses lèvres alors qu’elle arrive au niveau de l’appartement qu’elle partage avec Albus Dumbledore. Elle a une bonne nouvelle intérieurement : elle n’a pas paniqué cette fois-ci, mais il lui aura fallu rester une bonne partie de la journée chez Abelforth pour se remettre de ses émotions. Si Abelforth était parvenue à la calmer et à réveiller en elle quelque chose de mieux que cette panique qui la rendait malade, Minerva McGonagall savait que cela n’était que pour un temps. Combien ? Elle n’en savait rien mais c’était déjà une petite victoire de gagnée. Passant sa propre clef dans la serrure, elle tourne et constate que la porte est ouverte. Ainsi donc, était-il rentré, Monsieur le Ministre du département de régulation des nés-moldus. Etait-il seul ou accompagné ? Allait-elle tomber sur le visage de Gellert Grindelwald ? Cette pensée lui sembla absolument farfelue mais pas tant insensée. Raison de plus pour envisager d’aller ailleurs pendant quelques temps. Elle ne le niait pas : cela lui brisait le cœur de prendre cette décision mais tous les deux savaient qu’ils n’avaient plus tant de choix. Pour que tout se passe bien et selon le plan qu’ils avaient établis, elle devait quitter l’appartement qu’ils partageaient depuis maintenant six belles années.

« Albus ? » appela-t-elle en laissant sa baguette la délester magiquement de sa veste et son chapeau qui s’accrochent au porte manteau.

Tous deux sont censés avoir leur leçon hebdommadaire d’occlumancie. Minerva a commencé avec la création de l’Ordre du Phénix et si elle a atteint le stade de base, elle est déjà en passe d’obtenir le stade suivant… sauf qu’elle se doute qu’avec sa rencontre avec Potter, cela ne va pas être une partie de plaisir aujourd’hui.

Mais alors qu’elle pense encore à ce matin et sa réaction dans l’épicerie, Minerva sans subitement une soudaine colère la saisir. Le genre de colère qui prend aux tripes. Si elle se demande un instant si ce n’est pas elle qui débloque, elle sait que c’est pourtant le bon sentiment qu’elle doit avoir. Celui de s’indigner devant un homme qui s’en sort bien, trop bien. Qui ne fera pas de cauchemars, qui continuera sa vie normalement comme si de rien n’était. Elle ne peut pas se laisser aller. Elle ne peut pas rester bloquer là dedans et en y réfléchissant, si elle doit se retourner le cerveau aujourd’hui pour exorciser et dédramatiser, elle le fera.

« Albus. » dit-elle alors que son regard s’arrête sur lui.

Son ton est plus doux, plus consciliant. Elle sait qu’elle doit lui parler d’Abelforth, de ce qu’ils ont décidé ce matin. Elle sait qu’elle doit lui dire pour eux deux et elle redoute sa réaction.

Parce qu’Albus Dumbledore est Albus Dumbledore.

« Tu es prêt pour la séance ? » demande l’amazone blessée au Dumbledore. Elle s’arrête un peu en arrivant à sa hauteur et le regarde dans les yeux. Ce n’est pas une discussion sur sa vie sentimentale à elle avec son frère qui devrait lui faire peur. Elle a vécu bien pire et elle sait comment le gérer après tout, lui, ce grand dadet si jaloux parfois. « J’aurais quelque chose à te dire ensuite. Ou avant ? Je ne sais pas ce qui est mieux. » lance-t-elle comme une première main tendue pour le préparer psychologiquement.

« Mina, je m’inquiétais. Viens t’asseoir avec moi. »

Il s’inquiétait. Il était vrai qu’elle était partie sans un mot et ne revenait que maintenant. Ce n’était pas son intention de l’inquiéter. Ce n’était même pas prémédité de partir aussi longtemps. Minerva n’oppose cependant aucune résistance à s’asseoir à côté de son meilleur ami. Alors qu’elle prend place et le regarde, elle se rend compte qu’il lui a terriblement manqué. Le vide qu’il laisse quand il s’absente ou que c’est son cas à elle, l’ébranle toujours un peu. Il est bien l’un des rares à lui faire ressentir cela. Elle se laisse aller sous son baiser sur le front et lui adresse un faible sourire, mais un sourire sincère. Elle ne cache nullement qu’elle épuisée quand bien même a-t-elle pu dormir un peu chez Abelforth.

« La séance ? Tu ne m’as pas l’air en état. Peut-être pourrais-je plutôt apaiser tes pensées, aujourd’hui ? »
« Non, cela ne servira à rien. J’en ai besoin, Albus, de cette séance, que ce soit aussi fort. Cela ne peut en être autrement. » dit-elle simplement.

Elle fronce les sourcils, Minerva. Oui, elle est épuisée mais elle ne veut pas s’arrêter vivre. Plus que cela même, elle sait qu’elle a besoin de cette séance quand bien même risque-t-elle d’être éprouvante. Et elle ne veut pas qu’il la ménage. Elle reste son élève dans cette situation. Mais il y a quelque chose que Minerva ne dit pas, qui reste implicite. Ils savent tous les deux que parfois elle ne sait pas où mettre le cureur entre s’arrête et continuer quand il s’agit d’elle-même. Combien de fois l’a-t-il presque couchée alors qu’elle s’était endormie sur la table de la cuisine en pleine rédaction d’un article ? Si ici, il ne s’agissait pas de cela, c’est d’elle qu’il s’agissait et plus largement du bien-être de l’Ordre du Phénix. Elle ne pouvait pas se permettre d’avoir ses pensées qui se baladaient à tout va. Elle vient chercher son contact en prenant sa main. Elle lui sourit tendrement.

« Je suis désolé pour tout. Je ne me permettrai pas de te mentir. J’espère simplement que tu le sais. Toujours. »

L’auriculaire est tendu et Minerva se met à rire légèrement pour la première fois depuis ce qu’il lui semble une éternité. Elle vient lui donner son petit auriculaire et elle scelle le petit pacte d’adolescent entre eux.

« C’est moi qui suis désolée de ne pas t’avoir fait complètement confiance. »

Minerva avouait aisément ses erreurs. C’était en réalité important elle de les reconnaître et elle pensait qu’il s’agissait là d’une preuve de maturité. Elle était sincère avec lui. Évidemment, elle n’aimait pas le plan. Elle n’aimait pas qu’il soit proche de Gellert pour la simple et bonne raison qu’elle le connaissait. Elle avait vu l’influence de Gellert sur lui et au-delà même de tous les malheurs que cet homme avait apporté aux Dumbledore, elle ne voulait pas qu’il souffre encore. C’était pour ça qu’elle avait aussi mal réagi. Le plan n’en restait pas moins bancal pour elle mais il est vrai qu’elle aurait aimé plus de transparence à son égard et non pas qu’il prenne cette décision seul.

« Toujours, Albus. » souffle-t-elle en réponse et en serrant son auriculaire.

Minerva ne lâche cependant pas sa main quand leurs auriculaires se relâche. Immédiatement, elle passe au cœur du sujet et quand elle a toute son attention, elle l’observe quelque peu longuement.

« J’étais chez Abelforth aujourd’hui. » lâche-t-elle avec précaution sachant le terrain miné avec les deux frères Dumbledore. « Je… Mmh… Abelforth est venu chez moi il y a de cela une bonne semaine maintenant et… nous nous sommes embrassés. » Jusqu’où peut-elle aller dans les détails ? Minerva décide d’être franche, transparente. « Cela fait un moment qu’on… se tourne autour ? Depuis l’adolescence, je crois mais, on n’a jamais passé le cap et… » Elle a un sourire plus doux, plus sincère, plus vivant, plus heureux aussi. « Cela c’est fait finalement la semaine dernière sans pour autant dire que nous nous fréquentons… Nous ne nous sommes vu qu’une seule fois et ce matin… cela fait deux, donc euh… » Mon dieu, la grande Minerva perdait sa verve habituelle à cause d’Abelforth Dumbledore. « Je voulais aller faire le petit déjeuner ce matin mais je me suis retrouvée chez lui et on a… discuté. » Elle s’éclaircit la gorge et plante son regard dans celui d’Albus. « Je pense que tu le sais tout comme moi, Albus, je ne vais pas pouvoir rester ici. » Son ton est doux et elle vient caresser sa main, prévoyant déjà sa réaction. « Abelforth a accepté que je reste chez lui un temps. » Un petit sourire pointe sur ses lèvres à la prononciation de sa phrase. Il peut le voir dans son regard : elle a une étincelle qui brille de joie, mais sur son visage c’est aussi l’inquiétude. L’inquiétude quant à sa réaction à lui, celui avec qui elle vit depuis six années maintenant. Elle ne veut pas qu’ils se brouillent pour si peu mais elle appréhende et attend alors sa réaction.

Elle ne sait pas à quel moment ça a complètement dérapé, ce qu’elle a pu dire, ce qu’Albus a compris, ce qui se passe dans sa tête pour en arriver à un tel extrême. Elle ne sait pas ce qui se passe pour que l’homme prenne si mal la nouvelle qu’il décide de jeter dix-huit ans d’amitié comme ça. En fait si, elle sait : la jalousie. Après tout, elle redoutait sa réaction mais elle ne pensait pas qu’il irait aussi loin. Tu diras à Abel que je vous présente toutes mes félicitations. Il ment. Il ne pense absolument ce qu’il dit, elle le voit parfaitement. Elle observe parfaitement que c’est les affres d’un égo mal placé qui en prend un coup et Minerva hésite sérieusement à se lever et à prendre la porte pour ne plus jamais remettre les pieds ici. Il est son meilleur ami. Plus que cela même. Il devrait être heureux pour eux, être sincère. Il devrait la soutenir. Mais non, c’était plus simple pour Albus Dumbledore de tout mettre à la poubelle par jalousie et de lui mentir.

« Toutes ces années de mensonge. »
Pardon ?
Est-ce qu’elle avait bien entendu ?

Minerva ouvre de grands yeux, absolument ébahie par autant d’hypocrisie de sa part, lui, qui vient de lui mentir.

« Vous n’avez véritablement aucune confiance en moi. »

Elle croit rêver. Il mélange tout mais elle n’est pas au bout de ses surprises.

« Je crois aussi qu’il vaut mieux que tu ailles chez lui. Je vais t'aider à récupérer tes affaires. Et au risque de faire d’autres révélations, je préfère mettre fin à nos séances d’occlumancie. Ne t'en fais pas, je suis sur que Nicolas acceptera de t'aider. »

Le silence tombe alors tandis que les mots font une cacophonie dans sa tête. C’est un brouhaha indescriptible au début avant de prendre sens. Le visage de Minerva passe par trois états d’esprits : la stupéfaction que la discussion prenne ce tour, la colère de la réaction d’Albus et…. Le calme ? C’est bel et bien le calme arrive et Minerva fixe Albus. Elle le connait son meilleur ami, elle sait qu’il réagit parfois au quart de tour et elle sait aussi qu’en cet instant, il n’a rien compris à ce qu’elle vient de lui dire. Elle voit aussi qu’il est blessé parce qu’il pense qu’Abelforth et elle lui cachent cette relation depuis des lustres. Elle a envie de pleurer de dépits tellement c’était stupide : elle n’était pas amoureuse d’Abelforth quand elle était avec Ephraïm.

« Albus, je crois que tu ne m’as pas comprise. »

Sa voix est étrangement calme et cette fois-ci, Minerva n’a pas l’excuse du traumatisme passé. Elle sait ce qu’elle fait et comment elle agit. Elle sait qu’elle ne peut pas perdre la face et lui laisser voir sa frustration et la blessure psychique qu’il occasionne chez elle. La priorité c’est de lui déconstruire ce qu’il croit avoir compris.

« Je ne t’ai jamais menti sur ma relation avec lui, lui non plus parce qu’il n’y en avait pas. » clarifie-t-elle toujours calme, toujours droite assise à côté de lui mais détachant chacune de ses syllabes pour que cela rentre dans sa tête. « Nous ne nous sommes jamais embrassés, nous ne sommes jamais sortis ensemble. Lui était peut-être amoureux de moi depuis tout ce temps, moi, je n’ai réalisé mes sentiments qu’il y a une semaine. Ce qui n’empêche pas deux adolescents de flirter ensemble sans forcément que ça n’aille plus loin que ça, ni que cela ne signifie quoique ce soit. » Pause. « Si tu penses que je t’ai menti toutes ces années alors tu dois aussi penser que j’ai aussi menti à Ephraïm toutes ces années, menti et trompé. En définitif : soit tu n’as rien compris, soit tu ne me connais pas et au passage cela me blesse profondément. Sans oublier que je trouve ça hypocrite de ta part alors que tu nous souhaites quelque chose que tu ne penses absolument pas. »

Cette fois dans sa voix, il y a un léger agacement et elle ne cache pas la tristesse qu’il provoque chez elle.

« Abelforth et moi-même nous fréquentons depuis une semaine environ et nous n’avons pas eu le temps d’en parler toi et moi avec tout ce qui s’est passé… » Ce qui était vrai. Ils s’étaient à peine croisés, sans compte les trois jours de silence de sa part. Elle ne se voyait pas lui dire deux jours tandis qu’il la récupérait à moitié brûlé « Hé au fait, j’ai embrassé ton frère et nous nous fréquentons. » devant un Henry Potter qui se remettait de ses blessures. « C’est tout nouveau et tu es le premier au courant. Je n'en ai même pas encore parlé à ma mère. »

Elle l’observe longuement avant d’expirer doucement.

« Je suis honnête avec toi, Albus. Je t’en parle directement parce que je ne veux pas te cacher ça. Je t’aime et ce serait stupide que tu mettes une amitié aussi vieille de dix-huit à la poubelle parce que tu penses que je t’ai menti, qu’on t’a menti… Ce qui est absolument faux. » Elle vient dériver son regard. Minerva se rend compte alors qu’elle a les larmes aux yeux et les sanglots dans la voix. Elle n’a jamais feint quoique ce soit avec Albus. « J’aurais pensé que tu sois un minimum content pour nous, au moins ça… » Elle vient effacer une larme solitaire. Après tout ce temps. Après ces années de galère. Après ces années de deuil. C’était au moins ce qu’ils méritaient non ? Etre heureux. Il ne se rendait pas compte de ce que cela signifiait surtout pour elle, de s’engager avec quelqu’un d’autre. Que ce soit son frère était certes, un détail qui a de l’importance, mais cela ne devrait en aucun cas la forcer à choisir entre l’un ou l’autre et c’était implicitement ce qu’il était en train de lui faire comprendre. « Bien, si tu es toujours dans l’optique d’arrêter nos cours ou toute notre relation alors… Je pense que je vais récupérer mes affaires. Tu n’as pas besoin de m’aider. » dit-elle avant de se lever sans le regarder, tentant de rester digne et fière.