On ne peut pas avoir à la fois l'immense nuit et le soleil (Nile)

  Elle avait classé ses dossiers, ses notes et ses projets, ce fut un sursaut, un inhabituel agissement, Amarante ne rangeait jamais, son bureau un capharnaüm de feuilles et de stylos, sa baguettes, ses clés, ses objets se perdaient dans la multitude de ses méandres de réflexions, parfois trouvait-elle également des phrases, des poésies sous les comptes de son pensionnat. D’ailleurs, le pensionnat. Elle avait perdu ses pouvoirs, de sorcière au sang pur, privilégiée femme à la carrure tolérante et empathique, douée pour les sortilèges et les métamorphoses, elle était tombée comme la majorité de la population anglaise dans l’empoisonnement, une eau et une nourriture atrophiée, ravagée par l’attentat et les attentions mortuaires de ceux qui se battaient pour l’égalité ; l’on chuchotait, hargneux, la colère enflait et l’Amarante ne jugeait pas, elle comprenait les deux partis, les deux camps qui s’opposaient. L’un porté par les idéaux d’égalité, l’autre par ses idéaux raciaux, et elle ne s’en mêlait pas, placée au centre d’un ordre secret pour combler le déficit de la balance. Néanmoins, sans pouvoir, Amarante fut obligée de trouver une solution, ressassant ses possibilités, la veille, la nuit devint blanche. Elle donna rendez vous, envoyant une lettre urgente à celui qu’elle pensait encore détenir son essence magique, Nile apparut soudainement dans son cheminement intérieur.
Les rues s’expriment par les passants ignorant de l’état politique des sorciers, ignorants des sorciers eux-mêmes, ils portent tous des costumes d’obscurité, le noir comme emblème, comme tristesse, silencieux automates, ils meuvent leurs jambes afin de se diriger vers les soubassements de la douleur ; Amarante se souvient de cette envie puissante de satisfaire un caprice, celui d’éduquer les enfants pour trouver son accomplissement dans les sourires de ces petits chérubins, elle avait usé de grosses sommes afin de satisfaire son désire d’esthétisme, il fallait que l’école soit grande, soit grandiose, soit sublime. Devant l’entrée protégée, elle ne peut prononcer la formule ouvrant ses portes. Posture détendue lorsqu’elle attend l’ami, elle ne s’enorgueillit pas de politesse mais, d’un sourire chaleureux encré sur ses joues, lui demande :  « Je suppose que tu n’as pas perdu tes pouvoirs, tu pourras donc m’ouvrir, s’il te plait Nile. Il suffit juste de répéter pour tous la magie appelle »
Dehors, deux silhouettes semblant regarder les murs décrépis d’un immeuble abandonné, personne ne remarque que les ailes grises tremblent et tressautent pour laisser place à la porte de chêne sculptée d’arabesques, un camaïeu de bleus rappelant le crépuscule lunaire qui se renverse vers le soleil ardent de ses rayons de feu. Tout de suite, un hall de marbre blanc égayé par quelques touches de brun et de crème. Elle guide son hôte vers son bureau, incroyablement bien soigné où chaque chose rutile, à sa place, et dormante. L’invitant à s’asseoir dans un fauteuil confortable, de velours turquoise, Amarante commence.  « Avec la disparition de nos pouvoirs je ne peux plus me permettre de sauver ceux que je pouvais libérer des mains du gouvernement. Nile, je pense que tu as encore tes pouvoirs, cela ne m’étonnerait pas, tu peux donc te charger d’un couple que j’ai commencé à aider. S’il te plait ? » Directement, elle aborde le sujet fâcheux, celui qui déterminera le congé de tous ou d’elle même.