what’s love got to do with it? - Méra

Maison familiale, les pieds du prince dansant contre le sol, tentant de masquer la pointe d’anxiété. Incapable de ne point bouger, avancer pour reculer immédiatement pour attendre l’enfant devenant bientôt femme, à un moment, l’union qui ne sera plus que présagée, qui deviendra leur réalité. En sont-ils loin ? En sont-ils proches ? L’être ne le sait. Le chemin qu’il ne fait qu’emprunter, le mariage très peu sa tasse de thé. Enchaîner sa vie à celle d’autrui, n’avoir pour l’éternité qu’un seul être à aimer. Amour, simple idée, vague connaissance des corps mais jamais du cœur. Battre, il n’a pourtant pas arrêté mais chacun des battements n’a jamais signifié autre chose qu’une action mécanique pour continuer d’exister. Loin des idées, loin des pensées, loin de tout ce qui un jour aurait pu créer quelque chose d’autre, quelque chose de plus personnifié. Non, l’être n’a pas avancé, laisser dans un coin la simple idée d’un jour dire je t’aime à un être apprécié. Langage de l’amour, langage torture dont le vocabulaire lui est totalement étranger. Et pourtant, le voici, le prince héritier, la petite boite dans sa poche encore cachée. Le jour tant attendu où d’une bague au doigt les choses seront presque scellées. Ne restera que le jour J, la grande fête, l’amusement à feindre, à tenter. Le soldat de plomb n’est pas réputé pour se laisser aller.

Se rencontrer pour mieux s’apprivoiser, comme si cela pouvait fonctionner ? Comme si l’être pouvait se changer, se transformer en une vision acceptable. Découvrir en un seul instant la clé d’une énigme depuis si longtemps non-déchiffrée. Arriver à mettre à l’aise l’ingénue de sa présence glaciale. La table est pourtant dressée, boire un peu de thé, quelques mignardises, tout cela préparé par les mains contraintes d’elfes de maison dont il n’en a que faire. Des petits êtres continuant leur destinée sans se poser les milles et une questions qui viennent si souvent perturber l’état de l’homme. Prince à l’humeur descendante, lune ayant fini par se poser, par arriver, par tout emporter et maintenant ? Sensation de manque, d’être dépossédé d’une partie pourtant non désirée. La bête est enfuie, la bête est lointaine, elle se tait, le laisse pour mieux venir le dévorer, gratter, petit à petit l’ensemble de son être. Situation à ne pas montrer, droit et glacial comme à son accoutumée, attendant la venue de cette future moitié dont il ne sait quoi penser. Un bon petit héritier, c’est finalement tout ce qui est demandé, perpétué la lignée et en même temps ? L’archange peut-il s’y risquer ? Le carmin a été dépossédé de sa pureté par la morsure carnassière. Réalité à cacher, de tous et surtout d’elle, celle dont il devra se méfier, porteuse malgré elle du honteux secret dans lequel bientôt elle se retrouvera plongée.

Elles sont hautes les grilles qui forment l'entrée du domaine Potter. Si hautes qu'elles donnent l'impression que personne ne pourra jamais pénétrer les lieux, ou pire... En sortir. Méra est devant et elle les fixe. Cinq minutes qu'elle est plantée devant le portail, incapable de faire le moindre geste, incapable de les pousser, de signifier sa présence. Plus elle les observe et plus elle sent son cœur se serrer. Elle sait qu'une fois qu'elle les aura passées elle sera enchaînée, emprisonnée dans une prison de laquelle elle ne pourra pas s'échapper. Elle n'a rien demandé la douce enfant, pourtant elle a obtenu. Un mariage. Un mariage dont elle n'a que faire, avec un homme qu'elle ne connaît pas, très peu tout du moins. Un homme qu'elle n'aime pas. C'est surtout cela le problème. Elle approche un peu plus de l'entrée mais son corps trésaille. Et si elle partait ? Et si elle fuyait ? Après tout elle en a encore le temps. Elle peut très bien disparaître, partir dans un autre pays, retrouver sa liberté. Doux rêve empli d'euphémisme. Elle sait qu'elle n'a pas le choix. Elle inspire profondément et pousse les lourdes portes métalliques. Lorsqu'elle se présente à l'entrée du manoir, elle sait qu'elle est pile à l'heure, que dans quelques instants son destin sera définitivement scellé.

Elle toque d'une manière plutôt assurée – ce qui la surprend – et quelques secondes à peine après, un elfe de maison se présente à elle. Il a la tête basse, n'ose la regarder, ne cesse de l'appeler madame, voire maîtresse par moment. Elle fronce les sourcils la tendre enfant. Il lui prend son manteau dévoilant ainsi son corps encore presque enfantin drapé d'une robe bleue nuit. C'est Théa qui lui a dit d'enfiler celle-ci, Méra, elle, elle voulait porter du noir. Parce qu'elle est en deuil. En deuil de sa liberté, de sa vie. On lui a tout pris en lui imposant un mari. Ils le savent tous, mais font tous comme si c'était normal. Et sans doute que cela l'est. D'un pas hésitant elle suit l'elfe, cherchant du coin de l'oeil la présence d'un Potter, mais personne à l'horizon. Sont-ils absents ou bien sont-ils cachés dans un coin à l'observer, à l'analyser ? Elle entre dans le jardin et l'air frais lui redonne un peu de contenance, le bruit des oiseaux l'apaise. Elle voit au loin Gabriel et son cœur manque un battement. Ce n'est pas l'émotion qui l'étreint, c'est l'angoisse qui la foudroie. Elle s'approche un peu plus de lui et s'arrête à quelques mètres. Elle ne sait pas ce qu'elle doit faire, ce qu'elle doit dire. Elle a beau connaître les règles de bienséance, être douée pour les événements en société, elle ignore tout d'un tête à tête avec un homme... Avec un fiancé. Elle esquisse un fin sourire qui se veut chaleureux mais qui ne montre sans doute que la tension qui l'habite. Finalement elle prend sur elle et ose une première parole : « Cela fait longtemps que ma route n'a pas croisé la vôtre Gabriel. » Elle se veut rassurante, essaie de créer des souvenirs communs qui n'existent presque pas. Mais après tout elle n'a pas tort, ils ne se sont pas vus depuis qu'il a quitté Poudlard, un an avant elle, à moins que cela ne soit deux. Elle le fixe, plantée devant lui, incapable de faire le moindre mouvement. C'était une mauvaise idée. Elle n'aurait jamais dû venir. Après tout, elle aurait simplement pu le revoir le jour du mariage puisque tout était fixé sans qu'on n'ait daigné lui demander son avis...

Les pas des êtres inférieurs, les dominés, elfes de maison martyrisés dans une maison ne portant que peu d’intérêt à leur condition. Souffrances qui ne sont point cachées. Pas la moindre once de culpabilité. La torture élevée en forme d’art dans l’étrange famille Potter.  La particulière demeure, l’éducation à la dure, la cuirasse renforcée pour tout affronter, pour tout accepter. Comme là, maintenant, quand l’ainé glacial attend la douce raisonnée. L’étrangère qui ne peut le rester. Qui doit se transformer, arpenter d’autres définitions… Pas délicats, les pas là, approchant, les condamnant, l’un à l’autre, course effrénée qu’aucun des deux n’a commencé, qu’aucun des deux ne pourra terminer. Réalité qui finira de tout rattraper, tout conjuguer sous le jour nouveau. Mais pas là, pas tout de suite, pas quand les regards ne font que se croiser. Quand les mots ne sont pas encore prononcés. Tenues de circonstances, apparats pour mieux cacher les réelles pensées.  Pour laisser imaginer, que tout n’est point si meurtrier. Mais le loup solitaire jamais n’a aimé. Et la douce blondeur veut seulement garder sa liberté. Renonciations des idéaux personnels pour l’union des indécis. Des moindres choix, des obligations. Prince héritier qui bientôt pourra contempler la prochaine génération des biens nés. Méra forcée de prendre place dans des schémas où seul l’oracle de sa féminité est réclamé. Enfanter plutôt qu’épouser, l’idée dans l’esprit trop mécanique. Vision déformée d’une future réalité.

Œillade sur l’ingénue sacrifiée, nul doute qu’elle dégage d’une certaine beauté. L’artiste ne peut le nier. Esquisse visuelle de ce qu’elle pourrait donner, dessiné pour l’éternité sur un bout de papier. Quelques coups, nécessité de mélanger ombre et lumière, comme son regard tente de le cacher. Agneau envoyé à l’abattoir, bien loin de se douter que l’instant représente si peu la somme des horreurs à venir. L’image aseptisée, rendue appréciable pour l’œil égaré. Papillon qui ne peut plus s’envoler, impossible de quitter cette réalité. Les deux astres éloignés, le silence qui vient tout emporter. Avancer, agir, réagir, montrer un semblant d’humanité, de compréhension de la société. Sourire soleil contre regard glacial, mélange des genres, des possibilités, renouveau qu’aucun des êtres ne semble quémander. Voix mélodie, début des accords, complications pour maintenir la conversation animée. Prince dont la voix d’une sœur dans son esprit vient s’imposer. Bienséance à respecter. Main attrapée, délicatesse si lointaine, sensation de force exprimée, habitude difficile à laisser de côté… Baisemain étrange, premier essai loin d’une réussite assumée. Reprise des habitudes du passé, du marbre protection nécessité. « Poudlard. »  Réponse mot habituelle pour l’être. Oui, longs instants, longs moments où jamais sa présence n’avait effleuré son esprit. Seulement un vague souvenir, quelques brides compliquées à remonter. L’œillade incite la demoiselle à s’installer. A prendre place, dans cet espace leur étant dédié. Et pourtant ce silence qui ne cesse de monter, quelque chose à prononcer, les idées et les mots mélangés. Rappel des pensées de la sœur. « Vous regarder est loin d’une torture. »  Compliment raté et fermeture immédiate de l’homme peu habitué à faire la cour… Encore moins à quelqu’un lui étant destiné…

Rien. Dans un premier temps il ne répond rien. Il ne bouge pas. Se contente de la fixer. Ca la désarçonne la délicate poupée. Elle ne sait pas quoi faire, se contente juste de le regarder. Son corps est tétanisé, c'est sans doute pour cela qu'il ne tremble pas. Elle a envie de faire demi-tour et de fuir. Pourquoi n'a-t-elle pas accepté lorsque Théa lui a proposé son aide pour disparaître. Pourquoi s'est-elle obstinée à obéir aux devoirs familiaux. Il lui suffisait de tout quitter pour pouvoir retrouver sa liberté à laquelle elle tenait tant. Mais Méra avait voulu faire les choses correctement. Méra avait voulu rendre fière sa famille, ne pas les mettre dans l'embarras. Si Théa avait survécu à son terrible premier mariage, Méra le pouvait aussi. Cela ne pourrait pas être pire. Non ? Rien n'était moins sûr. Elle sent son cœur palpiter plus rapidement lorsque Gabriel se dirige enfin vers elle. Son cerveau lui crie de reculer, de faire un pas en arrière, mais son corps ne répond pas, Merlin en soit loué, l'offense aurait été violente. Avec maladresse le jeune homme lui saisit la main pour la baiser. Le geste n'est pas maîtrisé, il est forcé, mécanique, Méra le sent, le comprend mais elle ne s'en formalise pas. Il a fait l'effort, a essayé, et c'est déjà bien plus qu'elle n'a pu faire pour le moment. « Poudlard » La voix de Gabriel claque dans l'air ce qui crispe Méra. Il ne semble pas avoir changé depuis cette époque. Toujours aussi peu loquace, toujours aussi fermé. Il lui fait signe de s'asseoir, ce qu'elle fait avec gêne. Elle croise les jambes avec élégance comme on le lui a appris. Sa robe remonte légèrement et laisse apercevoir ses chevilles fines et féminines, mais rien de plus. Elle remercie intérieurement sa sœur d'avoir choisi sa tenue, elle aurait été mal à l'aise si trop de parcelles de son corps s'étaient dévoilées à l'oeil inquisiteur et trop observateur du Potter.

« Vous regarder est loin d’une torture. » Froncement de sourcils du côté de la jeune Malfoy, qui prend le temps d'analyser cette phrase. Est-ce un compliment ? Si tel est le cas, il est bien maladroit. Elle comprend finalement que cela en est un. Elle sent ses joues rosir légèrement, gênée par la situation, incapable de le complimenter en retour, coincée sur sa chaise, perdue dans ses questionnements. Elle décide alors de jouer la carte de la politesse, parce qu'elle est bien éduquée Méra : « Je vous remercie... » Elle a failli ajouter « je suppose » mais heureusement elle a su tenir sa langue. Elle a ses doigts entrelacés tandis qu'elle observe Gabriel, finalement, consciente qu'elle doit dire quelque chose, elle regarde autour d'elle et lui dit : « Vous avez vraiment un joli domaine » ou prison pour être exact ? Mais bien sûr, elle ne peut dire une telle chose. Alors qu'elle sent que le temps risque de passer à une lenteur infernale, un elfe de maison approche pour lui servir une tasse de thé. Méra lui sourit et avec sincérité et gentillesse répond : « Merci beaucoup, ne vous en faîtes pas, la prochaine fois je me débrouillerai seule. » et elle adresse un sourire à l'elfe qui n'ose même pas la regarder. SI les Malfoy sont les premiers à avoir asservi les elfes, s'ils sont leur fond de commerce, Méra n'a jamais partagé cette idéologie, elle s'est toujours attachée à respecter ces êtres qui n'avaient jamais rien demandé. Elle regarde une nouvelle fois Gabriel, et tente d'apprendre à le connaître, ou du moins à se montrer intéressée : « Vous dessinez toujours ? » Consciente que cette question est sans doute un peu trop personnelle, elle ajoute avec précipitation : « Il me semble que dans mes souvenirs c'est ce que vous faisiez.... ». Vite que cette rencontre s'achève avant qu'elle ne se liquéfie sur place...

Complimenter une femme par Gabriel Potter, tout un programme totalement raté… Volcan enrage de l’échec programmé, non, les soldats ne sont point faits pour réaliser une cour enflammée. Tentative ratée qu’il désirera ne point recommencée. Et en même temps, dans l’esprit, la voix d’une sœur protectrice, les mots d’un interrogatoire musclé pour l’esprit du sorcier. Thea Malfoy s’imposant, elle ne manquerait nullement de lui faire remarquer les incapacités certaines, les fautes aussi. L’étrange pille électrique serait sans nul doute capable de lui lancer un imperio uniquement pour le pousser davantage dans les bras de cette fiancée. Lointaine proximité, loin de devenir promiscuité. Apprivoisement raté, ne pouvant point s’améliorer. Pas quand les prunelles se cessent de se croiser, peine à trouver un point d’ancrage, une stabilité. Le remerciement surprise… Penser  ou seulement destiner à ne pas froisser l’égo de l’homme ? Impossibilité des incertitudes, patienter, attendre, laisser le reste s’égrainer et après ? Se laisser, patienter jusqu’aux retrouvailles, jusqu’au mariage annoncé, jusqu’à finir par se retrouver dans le lit marital et se demander comment tout cela est arrivé…

Complimenter le domaine, le lieu de vie, le place du roi, l’héritage du prince. Des générations de Potter s’épanouissant, la cave, lieu de villégiature qu’il ne présentera pas, pas aujourd’hui en tout cas, pas tant qu’étrangère elle sera. Pour ne pas l’effrayer, pour continuer de laisser les tréfonds les plus secrets des Potter particuliers. « Il sera mien un jour. » Quand le père sa couronne cédera, quand le nouveau roi sera couronné et que le château sien il pourra célébrer. Héritage à continuer, Méra, futur reine, pièce rapportée, contrainte de s’habituer aux traditions que nul ne pourra ignorer. Recommencer les erreurs d’un père et s’y enfoncer, sans jamais s’arrêter.

Boissons servies et déjà le regard du fiancé se retrouve transformé. Les doucereux mots, la manière de regarder la créature dont la présence déjà s’est trop attardée. Gentillesse malvenue envers un être bien loin de la mériter. Cet enclin à la bienveillance, déjà sur la sœur ainée, le mécanique l’avait repérée. Faux espoir que cette faiblesse ait pu épargner la fiancée. « Servir est l’unique but de ces créatures. » Le dernier mot est lâché, prononcé comme la plus grande des injures. Non, le fiancé jamais ne pourrait supporter un élan de bons sentiments pour des êtres dont la peau si souvent il vient déchirer. Changer, refus, même pour apporter plus de stabilité dans le couple forcé. Glacial regard comme pour amener le changement chez le bel ange.

Apaisement de la bête, l’art qui toujours vient le ramener vers plus de sérénité. L’être ne pensait pas que l’ange l’avait assez observé pour en savoir autant sur son passé. Hochement de tête pour confirmer que cette passion est bien sienne. Secrète, particulière, les tréfonds d’une âme qui si souvent rechigne à s’exprimer. Loin des artistes prêts à tout exposer sans vergogne, sans se soucier de ce qu’autrui pourrait en penser. Dévoiler l’âme n’est point chose aisée. « Cela m’arrive. » Rester sur la défensive, n’en dire que le nécessaire, ne point offrir à l’inconnue trop de consistances, trop de pouvoir sur sa pauvre carcasse. Le regard finalement sur la beauté vient se poser, l’observer un peu plus longuement, dessiner d’une œillade ses traits, tenter d’en faire un certain portrait. Bien plus aisé que de trouver le prochain sujet d’une conversation compliquée. Et le temps commence à passer, sans que rien ne soit prononcé, sans qu’il ne fasse autre chose que de la regarder, de tenter de desceller ce qui pourrait continuer, sans le faire fauter. « Votre sœur n’a dit que le plus grand bien de vous. » Trouver un point d’accroche, une chose positive à dire et en même temps le ton est loin d’être enjoué, de laisser entrevoir dans les propos l’idée même d’un compliment. Plutôt d’une réalité dont l’être n’est pas certain de savoir quoi penser.