(animation 1 / os); a hundred arms, a hundred years

Coeur battant, cœur qui cogne, cœur qui s'emporte et paralyse. Les couloirs du Ministère grouillent d'individus, éclats de voix qui la font parfois sursauter. Certains pleurent, tandis que d'autres crient au scandale. Doigts crispés autour de ses genoux, assise sur une chaise en bois qui a du supporter mille maux, Roisin attend son tour. Cheveux rassemblés en un chignon haut, son visage émacié implore la miséricorde, qu'elle soit divine, ou humaine. Interrogatoire à venir qui lui alourdit l'estomac.

Si tu n'as rien à cacher, tout se passera bien.

Ses mâchoires se contractent.

Elle a tout à cacher. Tout à dissimuler. Tout à oublier.

Frisson qui roule le long de sa colonne vertébrale. Le visage d'Albus envahit son esprit chagriné. L'Ordre. Famille aux racines diverses. Elle se rappelle de ces visages qu'elle a rencontrés, mais qu'elle doit oublier. Dents qui claquent. Minerva lui tend une bouteille de whisky. Ses prunelles se fixent brièvement sur ses doigts aux ongles impeccablement taillés. Souvenir qu'elle ne parvient pas à déloger, alors qu'elle doit oublier. Paupières qui battent, et se marient à la cadence insatiable de son palpitant. Laserian dont elle panse les plaies. Sang qui macule ses doigts, morsure qui transforme l'homme en bête et pacte qui la lie à un secret qu'elle doit oublier. Sursaut du coeur. Phineas lui donne un coup de coude dans les côtes. Hestia roule des yeux, et s'exclame quelque chose de drôle – mais Roisin ne sait plus quoi. Elle voudrait s'en rappeler.

Mais dans son souvenir – elle rit, oh, elle rit.

Réprimer des images, des lieux, des gens qui pourraient alourdir ses propos. Tenir à bonne distance ceux à qui elle tient, afin de ne pas les mettre en danger. Roisin voit tout, plante verte statique dans un décor beaucoup trop somptueux pour ses services maladroits. Roisin est là – là où elle ne souhaite pas être, en somme. Embarquée au sein d'une institution qui lui est hostile, et dont elle respire les effluves de terreur. Effroi qui s'infiltre sous la peau, et dévore la carne. Elle perçoit un cri – ses oreilles sifflent.

Mais Roisin, bien que curieuse, reste immobile. L'attente interminable a raison de ses questions qui seraient persistantes en d'autres circonstances.

Est-ce ça le courage ?
Est-ce ça le sentiment de réussite ?

Fill us with your hate and we will shine a light.

Ongles qui s'enfoncent dans ses genoux, recouverts par ses jupes, alors que ses méninges recommencent à s'activer. La panique le jour où on l'emmène de force au Ministère. Tatouage qui marque sa peau et la brûle. Dents serrées, tandis qu'elle voudrait hurler. Signer son nom dans un répertoire, clamer sa soumission sur l'honneur. Humanité qui se noie. Lorsqu'Amadeus lui présente sa petite chambre de bonne. Elle lui répond par un silence entêté. Unique valise à la main, brisée d'avoir abandonné sa vie pour ne servir que celle d'un sorcier qui n'a jamais su à quel point il comptait pour elle. Battements qui ralentissent. Doigts qui s'enroulent autour du cou, et pointe de la baguette qui s'enfonce dans le ventre. Elle manque d'air. Elle veut respirer. Prunelles claires d'Henry Potter qui, par leur dédain, la blessent plus que l'entaille qu'il lui laisse sur la pommette. Sa poitrine se soulève – elle respire maintenant. Harfang Longbottom qui lui annonce la vérité sordide de ce qu'il est devenu. Ami d'antan qui se fâne.

Et les morts qui s'accumulent. L'esclavage qui devient officiel, au même titre que des jeux qui mettent en place des pratiques barbares. Le sang qui perle. Les moldus qui prennent le parti de s'entretuer. Ces derniers mois, le monde a basculé dans une folie rare. Et elle est seule, là. Toute seule. Roisin devrait s'estimer heureuse d'être encore en vie. Elle rêve d'ailleurs, cependant. A cet instant, elle imagine une épaule sur laquelle elle pourrait tendrement loger sa joue et oublier.

Mais peut-elle oublier le chaos ? L'espoir est si fin qu'il semble en devenir vain.

Bouche sèche. Besoin de parler. Besoin d'espérer. Son regard tombe sur ses doigts ; combien d'alliés compte-t-elle à présent ? Un, deux, trois, quatre, cinq – tellement plus aujourd'hui qu'hier. C'est alors qu'elle comprend, alors qu'elle essayait de se défaire de ses réminiscences. C'est alors qu'elle parvient à se soustraite à son égoïsme. Sa posture se décontracte, et son rythme cardiaque reprend sa cadence habituelle, poitrine qui ne se soumet plus à la moindre douleur.

Pour chaque Gellert Grindelwald, il y a un Albus Dumbledore. Pour chaque Henry Potter, il y a une Minerva McGonagall. Pour chaque individu qui soumet les autres à son courroux, il y en a un qui se lève. Et ça lui suffit.

My heart bends and breaks so many, many times,
And is born again with each sunrise.

Roisin comprend qu'elle n'a pas besoin d'oublier.

Quoiqu'il puisse lui arriver, elle n'est pas seule.

La porte s'ouvre. On écorche son nom.

Roisin Whelan se lève.

Lord, don't let me break this.