(pia) beauty and the fool.

the best mirror is an old friend.
w/@pia dumbledore

La nuit tombe,
la pluie avec elle.

Les pavés grisâtres de Londres se font glissant sous les martèlements de mille-et-unes gouttes d'eau tombées du ciel. Il fait gris, il fait froid. Il fait sale. Et pourtant, vêtu de trois épaisses couches, Ulrich traine dehors. Le loup est sorti de sa tanière, ses pas sont suivis par une ombre naine, celle d'un elfe de maison. Les mains gelées par le mordant de l'hiver Ulrich souffle des bourrasques d'air chaud sur ses doigts. Devant lui, le chemin de traverse. La foule y fait des allers et des retours, la tête rentrée dans les épaules, il laisse ses rétines se promener le long des devantures. Il observe les derniers clients sortir des boutiques les bras chargés, il y a de tout, des hommes, des femmes, des enfants. Il semble facile d'oublier ici, oublier la révolution, oublier les nés-moldus et les hybrides. On peut vivre une vie tranquille de ce côté-là de la capitale ou bien faire semblant. (...) Au bout d'un temps, Ulrich arrive devant l'immeuble qui l'attend. Au bord d'une fenêtre il aperçoit la silhouette féline de la bestiole de Despoina Dumbledore. Rapidement, la tignasse brune de cette dernière finit par repérer son invité, elle sourit, elle va lui ouvrir (...) Depuis combien de temps l'invite-t-elle? Il a longtemps collectionné les lettres de la sorcière, ses hiboux envoyés par milliers qui lui priaient de bien vouloir venir prendre le thé. Toujours, il y a eut un sourire qui s'est dessiné sur cette gueule bourrue à la lecture de ces invitations candides. Pourtant, jamais il ne venait Ulrich. Pourquoi? Lui-même ne sait pas. Il n'a pas eu la force, pas eu l'envie surement. Mais aujourd'hui il est là, en retard parce qu'il a bien fallu se forcer, en retard parce qu'il aurait voulu y échapper. Mais il sait que la hargne de Pia finira par le rattraper, alors autant en finir et se résigner.
- Bonjour, enfin bonsoir.
A cette heure-ci, Ulrich ne savait jamais.
- Je ne vais pas pouvoir rester longtemps (...)
Ses yeux glissent vers cet elfe qui le suit comme témoignage de ses chaines.
- (...) tu sais, le couvre-feu.

(@ulrich gauvain)

La paperasse s'entasse chez elle plus encore que sur son coin de bureau au ministère, le travail qui la poursuit même un samedi, même entre deux hiboux et deux lettres toujours plus hargneuses envoyées à un certain ancien camarade qui semble jouer la carte de l'ignorance. Elle est à peu près sûre de l'avoir menacé d'une réduction lente et douloureuse de l'appareil génital, mais elle a du mal à se souvenir de ce qu'elle a pu écrire. Ou de combien de hiboux elle a pu lui envoyer. Ulrich Gauvain est un idiot, elle en était déjà persuadée à l'époque où ils étaient à Poudlard tous les deux, mais désormais elle en a la certitude. Pas vraiment surprenant, de la part d'un homme, mais lui tient un sacré record.

La pluie tombe dru sur Londres. Les gouttes tapent contre les carreaux de ses fenêtres, forment des chemins que son chat s'amuse à taper du bout d'une patte curieuse. Peut-être qu'elle mérite une pause, elle aussi. Ces morceaux éclectiques de recherches commencent à l'agacer, de toute façon.

La foule commence à se dissiper sur le Chemin de Traverse, derniers achats dans les bras, marmaille autour d'un jupon. Certains commerces ont déjà plié boutique pour la nuit, jusqu'à demain, pour une nouvelle journée engluée dans une routine à l'odeur d'ignorance. Tic, toc, l'horloge à son mur affiche six heures dix. Elle avait dit cinq heures, l'heure du thé, bienséance sociale. Elle suppose qu'elle n'aura qu'à lui envoyer un énième hibou avec une lettre remplie d'une hargne qui cache mal une certaine déception. Les temps sont déjà assez sombres comme ça. Autant attraper la lumière là où ils peuvent.

Pia est prête à reprendre sa lecture, un soupir déjà au bout des lèvres, mais il est difficile de rater la tête blonde qui s'est arrêtée au bas de son immeuble. Le sourire lui monte aux lèvres naturellement, et peut-être qu'elle se hâte un peu pour aller lui ouvrir, mais elle préfère le faire entrer avant qu'il se dégonfle et rebrousse chemin. « Ulrich. J'étais à deux doigts de t'envoyer une Beuglante. » C'est sur le ton de la plaisanterie, bien qu'elle ait sérieusement envisagé l'option. Elle préfère le guider en haut des escaliers biscornus qui longent la boutique du barbier au rez de chaussée. Il mentionne le couvre-feu, Pia laisse son regard s'égarer sur la silhouette de l'elfe, tellement silencieux qu'elle en aurait presque oublié sa présence.

Hm. Il faudra qu'elle fasse attention à ses paroles, donc.

« Bah, on a bien le temps de boire quelque chose et de discuter un peu. L'Allée des Embrumes n'est pas si loin. » Elle agite une main en l'air, ouvre la porte de son petit appartement. Le chat en profite pour venir se frotter contre les jambes d'Ulrich avec un ronronnement si puissant qu'il en ferait presque trembler les murs, mais déjà Pia est en train de s'affairer avec sa bouilloire. « Plus sérieusement, Ulrich... Comment vas-tu ? Et n'essaie même pas de me mentir ou je colle du Veritaserum dans ton thé. »

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- Oh Despoina, entre une beulglante et toi j'aurai préféré la première.
Il ricane comme un enfant, comme un frère qui s'amuserait de sa soeur. Lorsqu'il pose les yeux sur cette tête brune, Ulrich voit une fillette. Une fillette qui a croisé sa route sur les bancs de Poudlard et qui depuis n'a jamais grandi. Il a du mal Ulrich à faire de Pia une femme, une vraie. Peut-être est-ce pour ça qu'il ne la prend jamais au sérieux et qu'il se permet de la faire attendre jusqu'à irriter ses nerfs. Il faut dire qu'elle est patiente avec lui Pia, trop patiente. Alors qu'il la voit en gamine, Despoina apparait comme la plus mature des deux. Une aura maternelle se dégage de sa personne, elle fait attention à lui, beaucoup trop au goût d'Ulrich qui se sent gêné par ce trop plein d'attention. Il aurait aimé lui dire qu'il se débrouille seul, qu'il va bien, mais ce ne serait que de piètres mensonges. Malgré ces airs ahuris, Pia n'est pas stupide, elle sait déterrer le vrai du faux et semble déterminer à le faire. Alors à quoi bon prétendre? Tandis que Pia s'en va s'occuper du thé maintes fois promis, Ulrich prend place sur un canapé. Près de lui, le chat glisse entre ses mollets avant de venir s'assoir sur les genoux du sorcier. Machinalement, il se met à le caresser.
- J'ai déjà connu mieux, j'ai déjà connu pire. Au moins je suis vivant, il y en a qui n'ont pas eu cette chance.
Vivant oui, mais pour combien de temps? Ulrich joue avec le feu, trop lâche pour mettre fin à sa vie, trop lâche pour simplement agir, il ne fait qu'attendre, attendre que l'épée de damoclès ne vienne d'elle-même perforer son pauvre crâne.
- Tu sais, je m'en sortirai, je m'en sors toujours. Tu n'as pas à t'inquiéter pour moi.
Il se redresse Ulrich, le chat glisse au sol dans un saut fluet. Il arrive prés de Pia, alors qu'elle est dos à lui, plongée dans son eau chaude et ses herbes, il approche ses lèvres de son oreille et vient lui murmurer quelques syllabes.
- Les dictatures ne sont pas éternelles.
Voilà des mots sages, des mots enrobés d'une certaine philosophie et pourtant des mots vides, vides comme l'est Ulrich. Est-ce donc cela son plan? Attendre que la terreur s'arrête d'elle-même? Se terrer jusqu'à la fin en slalomant avec la mort? C'est ainsi qu'on justifie la passivité, en faisant croire qu'elle est une réaction censée dans un monde qui a essayé de l'être il y a des milliers d'années.

(@ulrich gauvain)

Peut-être aurait-elle dû envoyer cette beuglante, finalement. La brune se contente de lui adresser une horrible grimace en guise de réponse tant pour la remarque que pour l'utilisation complète de son prénom, avec l'impression soudaine d'avoir régressé en préadolescence, à l'époque où les remarques d'Ulrich blessaient plus qu'elle ne l'admettra jamais. Elle en viendrait presque à regretter cette époque où tout semblait plus simple, où sa seule inquiétude était d'avoir de bonnes notes aux examens pour trouver un bon emploi avec lequel elle ne dépendrait plus du patriarche, où le monde semblait encore tourner à peu près rond. Elle sait pertinemment que ça ne sert à rien de rester bloquée dans le passé, mais parfois elle aimerait bien pouvoir remonter dans le temps, même l'espace d'une heure. Pia préfère soupirer et s'enquérir de son bien-être. Ca ne servirait à rien de partager ses états d'âme, encore moins quand ils ne peuvent pas parler librement. Son regard glisse sur l'elfe, si discret, si loyal à ses maîtres. Le parfait espion.

Elle lève les yeux au ciel à ses réponses alors même qu'elle s'affaire à préparer une bouilloire avec les gestes automatiques de quelqu'un qui a fait ça des milliers de fois. Sans doute qu'elle pourrait utiliser sa baguette pour s'en occuper mais elle aime utiliser ses mains, parfois. Ca lui permet de se concentrer sur autre chose. « Me demander de ne pas m'inquiéter revient à me demander de devenir une Gryffondor sans cervelle, tu le sais parfaitement. » C'est dans sa nature, autant que sa curiosité légendaire qui la pousse à lire tous les bouquins qui lui passent sous le nez. Elle est protectrice, Pia, envers sa famille, envers les quelques amis qui lui reste, envers tous ceux qu'elle considère comme ses proches et Ulrich, malgré son caractère de chien, en fait partie. « Sérieusement, je comprends pas pourquoi tu t'acharnes dans l'arène. N'importe quel autre job serait plus sûr. » Elle n'a pas spécialement envie d'apprendre qu'il a été tué. Que son corps sera probablement jeté dans une fosse commune, parce qu'un sale hybride comme lui n'aura jamais droit aux honneurs d'un enterrement, ou qu'il sera récupéré par le ministère pour être utilisé comme sujet d'étude. La simple idée la rend nauséeuse.

La bouilloire a commencé à siffler. Pia secoue la tête, se ressaisit, verse l'eau chaude sur les feuilles d'Earl Grey pour les faire infuser. Sa voix, d'un coup terriblement proche, la ferait presque sursauter — quelques gouttes d'eau trop chaude atterrissent sur sa main, brûlent un peu la peau dénudée, mais peu importe. Elle se contente de secouer la tête à ses paroles, un soupir déjà aux lèvres. « Celle-ci semble bien enracinée. » Elle répond sur le même ton, peut-être un peu pessimiste, quoi qu'elle se considérerait plutôt réaliste. Elle se tourne, lui tend les tasses vides sur leurs soucoupes délicates. « Je reste quand même persuadée qu'une place au ministère serait plus profitable pour ta santé. Et pour la mienne. Je vais finir avec la tête pleine de cheveux blancs, à m'inquiéter pour tout le monde. » Détourner le sujet. Ne rien dire d'incriminant. L'ordre, malheureusement, passe avant ses propres amitiés.

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- Qu'est-ce que tu veux que je fasse d'autre?
Il laisse échapper un soupire résigné d'entre ses lèvres tandis que l'étendu de ses maigres possibilités effleure son esprit. Que vaut-il pour ce gouvernement? Il aurait certainement fait un superbe jouet à exposer le long des réseaux de prostitutions qui, lui a-t-on dit, se sont mis à enfler depuis l'avénement de Grindelwald. Ou peut-être que les hautes sphères auraient préféré utiliser la cervelle de cet ancien professeur, le poussant à une quête sans fin vers les mythes des reliques. Il y aurait eu d'autres issues bien sûr, d'autres qu'Ulrich se met peu à peu imaginer. Toutes sont moins violentes, moins écrasantes que le choix qu'il a fait et pourtant, pourtant, il n'arrive pas à les accepter. Dans ces scénarios raisonnés, il se voit courber l'échine, baisser les yeux, prendre les coups sans jamais pouvoir les donner en retour. Il devient ce qu'ils veulent qu'il soit : une faible bestiole, contrainte de les remercier de l'avoir épargner. Et ça, ça lui donne envie de gerber. Qu'importe la violence de son quotidien, au moins, il se sent vivre, il se sent homme.
- Je préfère encore risquer ma vie dans cette arène que de devenir leur chien.
Les mots peinent à sortir de ses lèvres : la mâchoire serrée, la gorge nouée, il crache cette phrase avec une frénésie réprimée. Comme toujours, il se murmure qu'au moins, dans l'arène tout est plus facile. Chaque matin, il se réveille en sachant pertinemment à quoi ressemblera son quotidien, tout est rythmé, tout est ordonné, il n'a pas besoin de réfléchir, pas besoin d'affronter la réalité et l'état du monde qui empire.
- J'ai déjà gagné, tu sais. Rien ne m'empêche de gagner encore. Ne mets pas sur mon dos tes cheveux blancs, tu commences à vieillir Despoina, je crois apercevoir quelques rides.
Le revoilà qui essaie de désamorcer ses inquiétudes à l'aide d'une taquinerie malvenue. Un sourire timide vient illuminer son visage dans l'espoir d'en susciter un en retour tandis que dans un même temps sa baguette fait verser le liquide chaud dans leur tasse de thé respective à l'aide d'un wingardium leviosa discret.
- Miss Dumbledore n'a pas tord.
Surpris, Ulrich ne comprend pas tout de suite d'où vient ce murmure. Il tord son cou pour finalement poser sa rétine sur la carcasse fripée de l'elfe qui le suit nuit et jour, jour et nuit. Jamais jusqu'à présent, il ne lui avait parler. La créature s'est contentée de le suivre, terrée dans l'ombre au point qu'Ulrich a fini par l'imaginer muette.
- Il n'y a pas que votre vie que vous risquez, il y a aussi celle des autres, ceux que vous tuez.
- Ferme-la !
- Vous êtes déjà leur chien.
D'un bond, d'un seul,
Ulrich approche le provocateur et dans un mouvement brusque, il saisit l'elfe par le colle de sa pauvre tunique en lambeau.
- Ecoute-moi bien (...) Ce n'est pas un esclave qui va me faire la leçon. Tu comprends? EST-CE QUE TU COMPRENDS?
Le grondement de colère est lâché à quelques centimètres de la tête de l'elfe, il secoue la créature à mesure qu'il grogne. Répondant à l'instinct, Ulrich a perdu la mesure des choses. Il ne fait attention ni à Pia à côté, ni à sa gueule, à sa gueule qui change en horreur sous le poids des émotions.