oh, dig my shallow grave.

chronologie:

—— intelligence without ambition is
a bird without wings. (s. dali)

pourquoi tu t'acharnes sur tes bouquins ? ça ne sert à rien. elle a le nez plongé dans son livre de sortilèges, hésite un instant avant de lever un oeil irrité vers son camarade, un autre serdaigle comme elle, un crétin dégénéré de carrow à qui elle aurait bien collé une beigne, ou un tarentallegra entre les deux yeux. elle se contente de soupirer. il l'agace, carrow. c'est à se demander ce qu'il fait dans la maison de l'érudition. peut-être parce qu'on a les buses dans moins de deux mois et que, contrairement à toi, j'ai pour but d'avoir les meilleures notes. il ricane, le carrow, secoue la tête d'un air presque désolé. c'est ce que je dis. pourquoi tu t'acharnes ? de toute façon tu n'en feras rien, de tes buses, ni de tes aspics, tu n'es qu'une fille. le mot est craché comme une insulte, une insulte qui tombe à plat. pia est une dumbledore, elle a sa fierté, mais surtout elle refuse de se rabaisser au niveau d'un cancrelat pareil, alors elle se contente de l'observer longuement par-dessus son grimoire, un air presque désolé sur un visage à demi obscurci dans la lueur tremblante des bougies. je suis surprise de voir que tu sais différencier une fille d'un garçon, pollux. je devrais presque te féliciter pour ça, mais tu n'avais vraiment pas besoin d'enfoncer une telle porte ouverte.

il rougit, carrow, violemment, mais son visage se tord de quelque chose qui ressemble presque à de la haine. pia secoue la tête avec un long soupir. c'est tout ? j'aimerais pouvoir réviser en paix, sans un rat obèse qui me jappe à l'oreille sans cesse. pollux carrow grogne depuis son perchoir, se détourne dans une grande envolée de cape qui la ferait presque ricaner depuis son fauteuil, s'il n'était pas aussi agaçant. elle préfère se repencher sur son grimoire pour reprendre ses révisions sur le sort de silence. mollusque dégoûtant. qu'est-ce que ça peut lui faire, si je veux rentrer au ministère, elle marmonne dans sa barbe inexistante. elle sait que ses ambitions sont sans doute trop hautes pour une société qui ne considère la femme que comme une poupée à donner au plus offrant. mais tant pis. elle sait ce qu'elle veut, et elle l'aura.

—— no one ever told me that grief
felt so like fear. (c. s. lewis)

la stèle est immaculée au milieu du cimetière, illuminée par un soleil insolent qui brille de mille feux au milieu de cet été. personne ne sait vraiment ce qui s'est passé, juste qu'il y a eu un accident et maintenant tante kendra est six pieds sous terre, sans personne sur qui poser son regard austère. pia est droite et fière dans ses robes de deuil, noir sur noir et une main d'enfant qui s'accroche à sa jupe. elle ébouriffe les cheveux d'emrys avec tout l'amour du monde, mais ses yeux ne lâchent pas ses cousins, un peu plus loin. albus et abelforth sont fiers, eux aussi, fiers comme tout dumbledore, et pourtant. elle pousse gentiment son frère vers leurs parents, préfère se diriger vers ses cousins. la bienséance voudrait sans doute le minimum d'effusions sentimentales, pourtant ça n'empêche pas pia de les prendre dans ses bras, chacun leur tour, le plus longuement possible.

ils sont adultes tous les deux, bien assez pour que personne ne questionne leurs décisions, mais pia n'oublie pas qu'elle a grandi avec eux, qu'elle les a vus passer de gamins curieux à jeunes hommes pleins d'assurance, et quand elle tape gentiment la joue d'albus d'une main gantée, elle a le vif souvenir d'un gamin de huit ans qui insistait pour qu'elle lui laisse ses livres de métamorphose, trop curieux pour son bien mais rempli d'une soif de savoir comparable à la sienne. sans doute n'aurait-il pas fait tâche chez les serdaigle. n'hésitez pas, tous les deux, d'accord ? on est là pour vous.

après ça, il n'est pas rare qu'albus vienne prendre le thé dans le petit appartement qu'elle s'est trouvé sur le chemin de traverse. la présence d'abelforth est plus rare, mais toujours appréciée. elle se dit que peut-être les fissures apparues avec l'incarcération de perceval, creusées par la mort soudaine de kendra, finiront peut-être par se reboucher. au moins ils essaient.

et puis ariana meurt elle aussi, et c'est la fin.

—— everyone, when there's war in the air, learns to
live in a new element : falsehood. (j. giraudoux)

le ministère a perdu le lustre doré dont elle le parait dans ses rêves les plus ambitieux, alors même qu'elle lève le nez vers le plafond richement ornementé comme elle le fait tous les jours depuis quatre ans. lieu de toutes ses ambitions, elle qui souhaite être reconnue pour ce qu'elle fait, pas pour son nom — elle se demande, parfois, si elle n'aurait pas mieux fait de rester à sainte mangouste, de garder ses yeux loin de ce nid de vipères toutes plus venimeuses les unes que les autres, loin de grindelwald et de ses envies de mégalomane dictateur. pia soupire, range un peu mieux les parchemins qui envahissent ses bras, se dirige d'un pas décidé vers son département, vers son laboratoire. le directeur veut des résultats. le dernier projet en date touche à la mémoire et aux répercussions d'un obliviate mal manipulé, et elle doit avouer que le sujet est passionnant, même si ses applications risquent de moins lui plaire. c'est pour aider, qu'elle est venue ici. pas pour voir leurs découvertes torturer les moldus. merlin, qu'elle aimerait pouvoir faire exploser tout ce département, et surtout faire exploser la tête de celui qui mène toutes ces expérimentations sur les moldus, mais sa place est trop précieuse pour qu'elle laisse aller sa colère.

les informateurs de l'ordre du phénix restent rares au ministère, et il leur faut bien au moins une taupe au cœur des choses, même si elle reste loin du ministre et de son entourage. les couloirs restent assez nombreux pour pouvoir attraper des informations juteuses ça et là.

la famille s'est peu à peu éloignée au fil des ans. chacun est occupé de son côté ; ses parents se font vieux, maintenant, la soixantaine déjà arrivée et trop fatigués pour se lancer dans un combat qu'ils approuvent pourtant. emrys préfère parcourir l'angleterre à la recherche de scoops, abelforth semble avoir du succès avec son pub. albus a la tête plongée dans le travail au ministère, et puis surtout l'ordre. l'ordre, pour qui elle n'a pas vraiment de nouvelles informations. elle n'est pas toujours d'accord avec leur façon de faire, ni avec leurs objectifs, considère la chasse aux reliques de la mort une chimère, un simple mythe qui n'aboutira à rien, mais comme au ministère, elle se tait. même si elle n'est pas d'accord, elle continuera de soutenir, continuera de faire son travail.

elle a peur, pia. elle a peur de ce que l'avenir leur réserve à tous. elle a peur mais elle garde la tête haute et fière.

elle a peur, mais elle est une dumbledore.

elle ne ploiera pas.