astronomical (raphaël)

Caecilia Greengrass était une jeune femme avec ses habitudes et qui n’aimait pas réellement y déroger. Pourtant, très souvent, il s’agissait là de la force du destin qui la poussait à ne pas suivre ses habitudes, des éléments incontrôlés qu’elle ne pouvait pas contrer, ni appréhender. La disparition subite de Raphaël Potter en était une. Si Astoria, sa sœur, n’en avait pas tant parlé, probablement un secret de famille que les Potter se devaient bien de garder, Caecilia, elle, aurait aimé avoir de ses nouvelles. La Greengrass s’était prise d’une affection certaine pour le jeune garçon à peine diplômé et s’était au fur et à mesure des cours de violoncelle qu’elle lui dispensait qu’elle avait appris à connaître un jeune garçon qu’elle appréciait. Malgré la différence d’âge et le fait qu’elle était proche de sa sœur aînée, Caecilia Greengrass avait toujours aimé ses après-midis en compagnie de Raphaël. Elle n’excluait pas l’idée qu’il s’agissait là bien évidemment d’une très bonne façon de monter dans l’échelle sociale en étant si proche des Potter et dans leur environnement direct, mais cette amitié, parce qu’il s’agissait bien d’une amitié, allait au-delà d’une simple question d’envie de redorer le blason des Greengrass.
Elle avait trouvé en Raphaël une âme d’artiste qui partageait sa passion du violoncelle. Une fois les rudiments du solfège enseigné, elle avait pu lui apprendre à jouer du violoncelle. Jamais une pression trop grosse ni trop faible, juste ce qu’il faut et un mouvement de poignet stable. D’abord avec un archet, puis après avec sa baguette même. Aussi, l’élève avait-il rapidement progressé et avait, comme dans toute discipline, stagné. Caecilia n’avait jamais eu de cesse de l’encourager parce qu’elle savait combien la discipline et cet instrument en général, pouvait être sensible. Aussi sensible que leurs âmes probablement. Pourtant, Raphaël avait un don dans ce domaine et leur don conjugué avait mené à une très bonne coopération. Si bonne que Caecilia n’avait jamais repoussé leur rendez-vous hebdomadaire pour jouer du violoncelle ensemble dans le petit théâtre qu’ils avaient réservé.
Quand il y a de cela quelques temps, elle l’avait attendu comme toutes les semaines devant Fleury et Bott, des livres sous son bras recouvert du tissu de sa robe et ses mains toujours gantées refermés dessus, elle n’avait pas pensé une seule seconde qu’il ne viendrait pas. Mais elle avait attendu éternellement. D’abord en colère, elle avait fini par s’inquiéter et était allée voir chez les Potter si le jeune homme s’y trouvait. On lui avait répondu que Raphaël ne viendrait pas. Il n’avait pas fallu longtemps à Caecilia pour comprendre que Raphaël ne pourrait pas sortir avant un moment et elle avait alors organisé les choses autrement. Toutes les semaines, tandis qu’il était en captivité chez lui, elle lui envoyait une partition de musique et une heure dans la journée. Ainsi, elle refaisait le chemin jusqu’à Fleury et Bott dans l’espoir de le voir, quand elle ne le vit pas, elle décida de se rendre dans le petit théâtre pour jouer avec l’espoir qu’il jouait lui aussi ce qu’elle lui avait envoyé. Raphaël lui répondait en général mais quand cela avait cessé subitement, elle s’était de nouveau inquiétée. Visiblement porté disparu, Caecilia avait boudé une semaine en ne se rendant pas à leur rendez-vous habituel avant de finalement refaire le trajet.
Toujours le même rituel. A dix sept heures, elle se préparait et prenait sur son dos dans un protège-violoncelle parfaitement hermétique, son violoncelle avant de sortir pour rejoindre le Chemin de Traverse. A dix-sept heures trente, elle arrivait devant Fleury et Bott et attendait un quart d’heures dans l’espoir de le voir dans la foule de passant. Puis, avec ou sans lui, se dirigeait vers le petit théâtre en dehors du chemin de traverse pour commencer à répéter et jouer.
Alors, cette semaine encore, comme une habitude dont elle ne pouvait se défaire, Caecilia avait fait la même chose.
A dix-sept heures trente, elle se trouvait devant Fleury et Bott. Rhys n’était pas présent, elle avait menti à sa mère sur son emploi du temps en prétextant rejoindre Minos qui était au courant de ce qu’elle faisait, seul moment qu’elle avait réussi à négocier avec lui pour qu’elle puisse aller quelque part seule. Comme Minos savait qu’elle ne manquait jamais une occasion de faire cela, il avait fermé les yeux et avait passé ceci sous silence, octroyant ainsi sa liberté pendant quelques heures à sa sœur. Aussi, attendait-elle seule devant la librairie. Un cardigan gris pour l’occasion car, Octobre n’est pas un bon mois pour elle, ses cheveux étaient attachés dans un chignon serré avec un ruban blanc. Ses mains gantées tenaient sa baguette des deux côtés et elle attendit alors.
Son regard sombre passa sur la foule avec un infime espoir que Raphaël ne surgisse. Mais elle ne voyait là que des visages inconnus et jamais le regard bleu du jeune homme si caractéristique des Potter. La brune soupira et une moue de déception passa sur son visage avant de finalement se détourner et commencer à partir vers le théâtre. Elle ne remarqua pas que quelqu’un venait de se détacher de la foule pour arriver à sa hauteur.