« When shall we three meet again In thunder, lightning, or in rain? »
Savez-vous ce que c'est ? Savoir que l'on ruine la vie des autres. Et que volontairement, ils acceptent. Par pitié. Obligation. Amour. Aucune raison, aussi valable soit-elle, ne trouve place dans l'égo détruit. Même auprès de la plus humble des personne, c'est cette sensation désagréable de nécroser ce que l'on touche qui ne s'en va pas. On a beau frotter. S'assurer de ne pas déranger. S'excuser, alors qu'on ne vous le demande pas, encore et encore, parce que l'on sait. On n'est qu'un boulet aux chevilles du condamné.
Elle s'appelle Cordelia. Cordelia la Grande. Qui lui ressemble. Aux études brillantes, à la ressemblance frappante, c'est la version d'Aristée qui a réussi à s'adapter. Elle a fini ses études, elle. Elle s'est débrouillé, elle a voyagé, elle. Loin d'être jalouse, sa réussite était aussi celle de sa petite soeur. A travers elle, et tant d'autres, Ari voyageait. Imaginait. Les nuits africaines sans pareil. L'odeur sèche et prennante du sol craquelé. Les insectes, qui sautaient à ses pieds. Si seulement elle y était restée. Mais une fois revenue sur l'île, son Azkaban à elle, elle n'a pas pu la quitter. Parce que maman l'a fait avant elle. Et puis Orfeo. Et alors, sous son aile, elle a pris ce qui restait de sa cadette - à croire que le paternel lui était de trop - sans rien demander, sans rien attendre en retour.
Le fantôme de sa propre maison. Silencieuse, absente, pour ne pas la déranger. Aristée faisait tout pour ne pas se faire rappeller. Une bonne intention, mais peut-être, mauvaise exécution. A passer les journées dans sa chambre, avec ses herbes, où dans le coeur des forêts, seule. Sans un bruit, sans un mot. Des larmes principalement, lorsqu'elle ne pouvait plus tenir, lorsqu'elle voulait hurler mais n'arrivait pas à articuler toute la douleur qu'elle ressentait. Peut-être qu'il en était de même pour Cordelia. Mais elle ne le lui disait pas. Car elle était forte, elle était brillante - elle était tout ce qu'elle n'était pas. Et bien que la jeune sorcière voulait éviter de se morfondre, une part d'elle ne pouvait ignorer le poids qu'elle faisait peser sur ses épaules, sur son coeur las.
Aller-retours, entre sa chambre et la salle de bain. Parfois, elles se croisaient, et buvaient un thé dans un silence que seule leur complicité pouvait combler. Heureuses ensemble. Tristes aussi.
Aujourd'hui, elle n'était pas là. Cela faisait depuis un moment qu'elle n'avait pas entendu ses pas. Un moment qu'elle s'inquiétait. Qu'Aristée passait plus de temps dans le canapé défoncé que sa chambre aux volets fermés. A tendre l'oreille dans la cage d'escalier. Ses mains occupés, toujours, pour éviter les visions. L'anxiété. Quelque part sur le palier, deux pas lourds s'arrêtent - mais ils ne sont pas ceux espérés. La porte s'ouvre tout de même. Aristée se fige, pétrifiée.
