highway of endless dreams.

Tu n'aurais jamais pensé avoir peur de te déplacer, ne plus pouvoir aller où tu voulais sans sentir ce vilain frisson remonter le long de ton échine, sans sentir le regard des gens sur toi. Toute ta courte vie tu as toujours aimé la rue, elle n'a rien pour elle, elle n'est même pas belle, mais il y a quelque chose de rassurant dans le balais des voitures, dans les cris des gosses et dans cette foule où l'on est tout et personne à la fois. Oui. La rue avait une forme de poésie rien qu'à elle et c'est pour cette raison que tu sortais de ton labo, pour elle que tu acceptais de voir la lumière du soleil une fois par jour pendant quelques instant de grâce. Pas pour ta santé que tu maltraitais. Simplement pour contempler sa beauté. La rue te permettais de penser à autre chose, quand tu sortais tu ne pensais plus à rien, le vide total, qui contrastait avec l'ouragan constant qu'elle abritait. C'était avant qu'on te kidnappe. Tu pouvais faire le tour de Londres sans ressentir la moindre fatigue et sans être lassé des bâtiments. C'était avant qu'on te séquestre. Tu pouvais sortir même en temps de pluie, parce que tu t'en fichais de rentrer mouillé trempé jusqu'aux os. C'était avant de te noyer dans ton propre sang. Et jamais tu n'aurais imaginé que ta vie, tout ce que tu aimais, puisse être détruit d'un simple coup de vent. Ta famille. Tes recherches. Toi.

Tu aimes ton frère, tu aimes cette famille, tu as plus ou moins d'attachement pour chaque personne de ton entourage, malgré les méfiances, c'est ton sang, quelque chose que tu ne peux décemment pas nier. Tu as du respect pour eux. Et jamais tu ne les as réellement enviés, l'admiration était de mise et elle était sincère. La seule personne que tu voulais surpasser est morte, depuis bien longtemps et si il existe un delà tu n'as plus à attendre longtemps pour la rejoindre et à ce moment là, prendre peut-être sa place. Dans tes rêves. Avant tu te voyais vivre vieux, maintenant il y a une lassitude profonde qui cerne tes yeux. Tu t'imagines être né déjà presque mort, comme ça tu as la sensation d'avoir vécu un peu, que ta vie ne pas être longue. Il est des matins où tu n'en vois plus le bout, où tu voudrais rester dans le tunnel sombre qui t'enveloppes quand tu fermes les yeux, où tu es en paix comme dans les bras de ta mère qui te manque plus que jamais. Tu replonges en enfance, dans tes souvenirs heureux. Quand tu vivais avec ton frère. Quand tu vivais. Loin de toi l'idée de lui voler la vedette. Quand tu étais jeune, tu préférais t'écorcher les genoux contre le sol et faire chanter la magie, trouver ta propre voie au travers de l'alchimie, au moins, on se souciait peu de toi et tu avais la foi, tranquille, c'était tes bidouilles. Mais cela ne dure jamais longtemps, que des visions, des flashs, des photographies cornées par les cendres. Le feu dévore tout sur son passage. Tu as toujours défendu le monde comme un paradis réel, alors qu'au plus profond de toi, c'était le pire enfer où l'on ait pu te placer.

Tu aimes à croire que ta mère en mourant t'as légué toutes les belles choses qu'une mère peut incarner. C'est avec cette conviction en tête que tu as essuyé toutes les épreuves de la vie; que tu as su te relever facilement et que tu as pris tes affaires pour mener ta propre vie. C'était dur de quitter les tiens. Tu idéalisais les autres. Ton estime de toi n'a jamais déplacé des montagnes, tu voulais sans doute voir le meilleur de toi en eux. Une voix te dis maintenant que tu aurais mieux fait de te recentrer sur ta propre personne, car tu es plus que jamais désarmé. Et ils ne peuvent rien faire. Tu n'as jamais été doué en relations humaines, tu as très vite fini marié à ton laboratoire où tu as commencé à t'intéresser aux matériaux rarissimes. L'or était un défi qui t'ennuyais, tu n'en avais pas besoin, tu trouvais ça presque prétentieux de vouloir changer tout en or. C'était toi le prétentieux. Tu aurais pu te contenter de rester raisonnable, mais tu voyais les choses en grand. Et tu t'es penché sur ce matériaux. L'isotone. Et tu t'es enflammé.

Tu es une personne qui a des habitudes. Sans doute trop. Tu prends ton thé tous les matins à la terrasse d'un bar au coin de ta rue vers huit heures, même quand tu as encore sommeil, tu n'es pas paresseux, juste calme, tu aimes prendre le temps, rester posé, tu en profites pour griller une cigarette et lire le journal. Tu lis surtout les petites annonces, tu survoles à peine les gros titres. Ce jour là une annonce de chat perdu a attiré ton attention. Tu aimais partir à la chasse aux animaux, tu as toujours aimé les animaux, mieux que les humains. Toi même tu as un chat, avais du moins. Puisqu'il s'est enfui maintenant. Lui aussi t'as abandonné. Tu t'es empressé de partir, tu as jeté l'argent sur la table. Tu avais l'impression d'avoir des ailes. Jusqu'à ce que tu comprennes que tu avais un poids dans le crâne, tu as toujours été très dégourdi, tu as toujours compris très vite les choses. Comprendre est une chose, agir, courir, c'est un autre fait. Ce n'est jamais agréable d'être drogué. Tomber, encore et encore. Quand tu as ouvert les yeux, tu n'as plus été capable de les fermer.

Et tu en es là. à avoir les mains qui faiblissent, des insomnies, sentir ton esprit se perdre. Devenir un fou. Tu étais comme les autres, tu as juste mal choisit ton sujet et tu le connaissais trop, tu as fait ton enfant, ton petit con. Tu as fait ce que tu voulais et ils ont fait ce qu'ils voulaient, rendu justice à leurs desseins. Laissant des marques qui t'empêchent de te regarder nu. Tu n'es même pas sur de pouvoir laisser quelqu'un te regarder un jour. Tes recherches sont perdues, quelque part, avec une part de ton âme. Tu n'as pas envie de les revoir. Parfois, tu ne veux plus rien voir, plus rien entendre, tu plonges la tête dans ta baignoire et tu attends en te demandant si tu peux t'y endormir et te noyer. Mais il y a toujours quelqu'un pour te sortir, pour prendre ta main et t'empêcher de sombrer. Et tu t'en veux de ne pas avoir la force de la prendre une bonne fois pour toute. Tu n'as pas beaucoup de souvenirs pourtant, ils sont enfouis. Et un jour ils reviendront. Tu le sais, comme tu sais que ce jour là ce sera sans doute la fin si personne n'est là pour taire tes cris et les tourner en baisers. Tu n'as jamais été un guerrier, tu es simplement un chercheur un peu taré. Sauf que maintenant tu as de bonne raison de l'être, un aliéné. Ta survie tu l'as doit a une personne. Même pas à toi même. Toi, tu aurais abandonné depuis longtemps, tu avais déjà baissé les bras. Si tu tiens encore, c'est par respect pour ceux qui t'aident et qui se démènent alors que toi ta guerre, tu l'as déjà perdue.