bavardage et boutefeupolitan (baldope)

casino golden dragon (septembre 1914)

Il paraît que la moitié du Royaume-Uni sorcier a perdu ses pouvoirs. D’autres avancent un chiffre plus élevé, quelques quatre vingt pourcents. Penelope écoute ces chiffres avec attention. Elle hoche la tête, l’air concerné.

Elle s’en balance.

Sa première paire de chaussures (rouges, à talons, avec des petits lacets, en un mot : somptueuses) lui importe plus que la nouvelle. Edelgard est furieuse et lui cède la gestion du casino pour l’instant. Susan est miraculeusement indemne. Elle-même s’en sort de manière tout à fait acceptable. Elle n’est pas perdu ses pouvoirs. Sitôt que c’était confirmé, Penelope s’est empressée de voir si elle avait gagné en puissance magique. Non. Pas plus, pas moins. Elle fera avec, mais cela ne l’a pas empêchée de mordre rageusement dans un biscuit pour se donner du courage. Après cela, elle a remis ses plus jolies chaussures et pris la direction du casino, une sacoche de papiers glissée dans son réticule magique. Sous prétexte de rendre la comptabilité qu’elle a vérifié, Penelope entend surtout se faire payer un verre à l’heure. Il n’y a aucune coïncidence dans le fait qu’elle franchisse la porte du casino à dix-huit heures trente. Elle aurait même pu se présenter il y a déjà une heure.

En habituée, Penelope va rejoindre Edel dans ses quartiers, après s’être débarrassée des papiers qu’elle range soigneusement dans leur boîte. Non, Edel-chaton ne veut pas de verre ? Sûre, sûre, sûre, même avec sa cousine préférée chérie qu’elle aime et adore ? Penelope négocie quelques minutes, bien que sachant la partie perdue d’avance. Elle embrasse une dernière fois sa cousine et théâtralement sur le pas de la porte, l’informe qu’elle n’exclut pas de lui faire porter une boisson. Moscow Mule ou simple lait chaud, la cour délibère. Trop tard, Edelgard retourne à sa paisible retraite. Faite de châteaux de cartes, de cocktails et de Merlin sait quoi d’autre.

Penelope descend ainsi d’un pas particulièrement guilleret vers le bar. C’est encore bien calme. Baisse de fréquentation depuis qu’on se découvre sans pouvoirs, soit nu comme un ver pour un sorcier. Elle s’efforce de penser à une autre expression lorsqu’elle croise un habitué du casino, à côté duquel son époux passe pourtant pour un fringant jeune homme. Penelope resserre son châle autour de ses épaules, relève le menton et se dirige d’un pas conquérant vers le bar. Elle s’est présentée à chacun des nouveaux barman ou barmaid en faisant valoir, devant la patronne, qu’elle avait forfait illimité pour les bons et loyaux services qu’elle a accompli pour le casino. Elle les connaît tous, mais il faut avouer qu’elle est contente de trouver Bald. Il n’en a pas l’air, mais enfin, Bald présente cette ressemblance avec son fils qu’ils ont toujours l’air de trouver qu’elle est la pire personne au monde. Insuffisant pour la désarmer, si bien qu’elle lui offre son plus beau sourire. Il s’en faut de peu pour qu’il n’écope d’une bise. « Bald, très cher ! Comment vas—tu ? Puis-je te demander un boutefeupolitan et tes dernières nouvelles ? »