(flashback) boys don't cry

boys don't cry. @minerva mcgonagall

Été 1898. La plaine écossaise s’étend à perte de vue, abandonnée par la brume matinale. Au loin, une silhouette se détache du paysage verdoyant. Du haut de ses seize ans, Albus Dumbledore apparait dans l’invisible. Tout comme la jeune Minerva McGonagall le lui a demandé, il se joint à elle pour ce qu’elle a elle-même décrit au cours de ses lettres comme une surprise. Ne sachant pas à quoi s’attendre, le gallois rejoint sa meilleure amie, profitant des vacances pour la retrouver chez elle. Ses iris mordorées admirent le domaine des amazones un instant, puis il s’assoit calmement sur la falaise indiquée par la sorcière. Il y a quelques semaines seulement, l'aîné des Dumbledore a fait une réalisation pour le moins surprenante… Du moins, pour lui, qui n’avait encore jamais songé à la signification de ses lubies passagères pour les garçons de l’école de magie. Depuis, il vit dans la peur. Une crainte profonde et personnelle dont il n’ose parler à personne, pas même à la métisse, qui compte pourtant plus que tout à ses yeux d’adolescent. Secouant sa tête brune, il jette un regarde au phénix qui trône sur son épaule, et qui n’a pas voulu le quitter au cours de son voyage. La moue pincée, il observe le volatile prendre son envol et se diriger vers une âme familière, logée juste derrière lui. Les mains de la fillette se posent sur ses épaules et lui arrachent un sursaut. “B-bon sang, Mina !” S’écrit-il, l’expression troublée. Il lève ses yeux déjà embués de larmes en sa direction, ravalant un sanglot dans un sourire forcé. Elle veut le voir, se dit-il. Elle a elle-même quelque chose à lui dire. Quelque chose à lui montrer. Il ne peut décemment pas se permettre de lui gâcher ce moment. Pas plus qu’il ne peut fondre en larmes devant elle. Le gryffondor rassemble son courage et se lève, la toisant du haut de son mètre quatre-vingt, sa poussée de croissance ayant commencé l’an passé. “M-Merci pour l'invitation. T-tu voulais me montrer quelque chose ?” Souffle-t-il la gorge nouée. Il la serre maladroitement contre lui, tentative avortée de cacher le malaise qui l’habite.

Isobel lui avait dit qu’elle pouvait si elle le voulait mais qu’elle devait faire attention. Minerva était d’accord avec elle bien sûr mais était passablement existée à l’idée d’enfin présenter son dragon, Attis, à son meilleur ami. Attis était un dragon avec certes son caractère mais capable d’être ouvert et pas forcément timide. Si jusqu’à présent, elle avait été la seule à le monter, la dernière fois remontant à pas plus tard que cette après-midi, Minerva McGonagall était déterminée à faire cette petite surprise à Albus et le faire aussi chevaucher son dragon. Au-delà du fait que cela lui ferait plaisir, elle voulait aussi passer du temps avec lui parce que cela faisait définitivement trop longtemps dernièrement. Il lui manquait malgré le fait qu’ils s’échangent presque tous les jours des hiboux et dépendre de sa mère pour transplaner jusqu’au Pays de Galles où se trouvaient les Dumbledore était d’une frustration sans nom. Alors l’occasion était trop belle, lui qui avait accepté de venir. Ayant tout préparé et s’assurant trois fois que tout était en ordre, Minerva sortit de sa maison pour se diriger droit sur l’endroit où elle savait qu’Albus se trouverait. Le plus silencieusement possible, malicieuse et preste comme une chatte, Minerva arriva derrière le jeune homme qui la dépassait de trop de têtes. Elle devait à présent lever la tête pour le regarder dans les yeux ce qui était frustrant. Le sursaut provoqué, Minerva eut un petit rire malicieux.
« B-bon sang, Mina ! »
Elle lui avait de toute évidence bien fait peur et la jeune adolescente de quatorze ans rit encore avant de s’arrêter. Elle rêvait où il avait des traces de larmes sur son visage ? Le sourire forcé d’Albus la fit arrêter de rire et elle fronça les sourcils.
« Pourquoi tu pleures ? Je suis désolée de t’avoir fait peur ! »
Elle se sent subitement idiote. Elle ne pensait tout de même pas qu’il aurait une réaction aussi… Disproportionnée ? Ou alors c’était autre chose ? Oui, possiblement.
« M-Merci pour l'invitation. T-tu voulais me montrer quelque chose ? »
Il se penche pour la prendre dans ses bras et elle le serre le plus fort qu’elle peut. Elle n’aime décidément pas le voir comme ça. Mais alors qu’il se détache, elle vient poser ses mains sur ses joues et lui efface ses larmes.
« Tu veux m’en parler ? Tu sais que tu peux tout me dire, Albus. » Elle se mord la lèvre le cœur battant. Elle appréciait plus que tout Albus et ne voulait pas qu’il lui cache quoique ce soit parce qu’elle-même ne lui cachait rien. « Quoiqu’il arrive, je t’aime quand même. »
Première fois qu’elle le lui disait et elle se sentit subitement plus légère. Voilà, c’était dit : elle aimait Albus Dumbledore. Comme un frère. Peu importe le crush qu’elle pouvait avoir sur lui. Se glissant sur la pointe des pieds, elle vient déposer un baiser sur sa joue et lui offre un sourire rassurant. Il parlerait s’il en a envie. Elle vient glisser sa main dans la sienne et lui dit, enjouée :
« Bon, on va marcher un peu mais je veux quand même que tu me dises quand tu seras prêt, d’accord ? »
Elle le tire alors vers la forêt qui se trouve derrière eux.

boys don't cry. @minerva mcgonagall

Été 1898. La peur s’est immiscée en son coeur comme un poison. Du haut de ses seize ans, Albus a peur d'être différent. De ne pas être à la hauteur des Dumbledore et de leurs ambitions. Muré dans un silence pesant, il craint de décevoir un père dont il pleure encore la disparition… Et un frère à qui il n’ose pas encore se confier ouvertement. S’il a utilisé ses prédispositions en sortilèges comme un bouclier à ses complexes d’homme en devenir, le doute le rattrape comme un cerbère enragé. Sinueuse, l’appréhension s’empare de lui, et comme chaque fois il se tourne vers la personne avec laquelle il partage tout ; Minerva. Sa meilleure amie. Le portoloin le mène jusqu’aux terres des McGonagall. Les prunelles balayent le paysage qui se dérobe sous elles, et se posent sur la silhouette féline de la sorcière, qui lui arrache un sursaut. Un flot de larmes s’écoule sur ses joues blêmes. Pourquoi tu pleures ? Je suis désolée de t’avoir fait peur ! La voix de la fillette lui arrache un rictus nerveux. Elle se blottit contre lui et le contact de leurs corps le rassure un instant. Lentement, le sanglot du garçon s’apaise. Elle a ce pouvoir sur lui qu’il ne peut expliquer. La serrant doucement contre lui, le souffle de l'aîné des Dumbledore se fait plus régulier. Leur complicité étiole son chagrin. Doux réconfort qui panse son âme damnée.

Les minutes s’égrainent et ils se détachent l’un de l’autre. Embarrassé par sa crise identitaire, le lion peine à s’exprimer ouvertement. Il l'écoute simplement : Tu veux m’en parler ? Tu sais que tu peux tout me dire, Albus. Quoiqu’il arrive, je t’aime quand même. Joignant le geste à la parole, les doigts fins de la métisse effacent le fardeau de ses joues empourprées. Bon, on va marcher un peu mais je veux quand même que tu me dises quand tu seras prêt, d’accord ? Elle glisse sa main dans la sienne et il la saisit avec un sourire timide. Elle l'entraîne dans une forêt épaisse et l’odeur des pins le tire de son angoisse. Le myocarde toujours tendu dans sa poitrine, il s'arrête soudainement de la suivre. Tirant délicatement sa paume vers lui, il joue nerveusement avec ses phalanges. Rassemblant le courage insufflé aux Gryffondors par la volonté de Merlin, il formule enfin son aveu maladroit : “J’ai quelque chose à te dire.” Honteux, ses agates hésitantes plongent dans les siennes. “J’ai peur d'être anormal, Mina. Je suis attiré par des garçons. Comme une fille peut l’être, tu vois ?” S'il n'ajoute rien durant quelques secondes, ces quelques mots sont pour lui une délivrance. Il mord sa lèvre inférieure et ses orbes chauds se gonflent à nouveau. “J’ai peur de finir à Azkaban, ou pire encore qu’Abel et Ari refusent de m’adresser la parole.” La confession est sincère, émouvante. “Ma mère n’est plus là pour que je puisse lui en parler. Je n'arrive plus à dormir depuis des semaines... J’ai essayé d’en faire abstraction mais ça me hante.” Le colosse cambre le dos et colle son front au sien avec une tendresse fraternelle. “J'ai besoin de toi. Conseille-moi, s'il te plait. Penses-tu toi aussi que je sois contre nature, un - un monstre ?”

Elle le voit bien, Minerva. Elle le voit bien qu’il ne va pas bien et ça lui fait très mal au cœur. Elle voudrait apaiser ses maux et les lui faire disparaitre. Peu importe ce que c’est, elle prendra pour lui un peu de son fardeau et cela commence par en parler, mettre des mots sur les maux. C’est ce que sa mère lui a toujours appris et c’est ce qu’elle fait tout le temps. Elle se demande si c’est encore à propos de son père et elle vient lui serrer la main doucement. Quand elle a appris, Minerva a pleuré pour les Dumbledore. C’est si triste tout ça. Mais elle veut qu’il lui parle quand même et si ça prend toute la nuit, elle sera patiente. Elle sait l’être ou en tout cas, elle tente d’apprendre à l’être.
Lorsqu’il s’arrête, elle vient lui faire face naturellement, levant la tête pour le regarder. Elle ne le lâche pas de la main et le laisse jouer avec ses doigts, se préparer à annoncer ce qu’il a à annoncer. Patience.
« J’ai quelque chose à te dire. »
Elle acquiesce sans rien dire parce qu’elle a compris que ce n’était pas à elle de parler mais bien à lui. C’était son moment à lui. Et quand elle le voit honteux, elle s’inquiète un peu.
« J’ai peur d'être anormal, Mina. Je suis attiré par des garçons. Comme une fille peut l’être, tu vois ? »
Elle fronce les sourcils, Minerva. En quoi c’est anormal d’être attiré par les garçons comme une fille peut l’être quand on est un garçon ? Oh, elle sait évidemment. Elle sait ce que cela veut dire, mais, elle, elle ne le pense pas. Après tout, elle est bien attirée par une autre fille. Et puis elle a vu sa mère avec d’autres femmes. Ce n’est pas vraiment une nouvelle situation chez elle, pas du tout inédite mais dans cette simple phrase, elle sait. Elle sait ce que cela veut dire pour Albus.
« J’ai peur de finir à Azkaban, ou pire encore qu’Abel et Ari refusent de m’adresser la parole. »
Elle veut l’interrompre. Mais enfin, il n’ira pas à Azkaban ! Ce n’est pas possible enfin ! On ne met pas des gens à Azkaban pour cela, si ? Si. Malheureusement. Ça l’énerve, ça ne devrait pas exister ces lois idiotes.
« Ma mère n’est plus là pour que je puisse lui en parler. Je n'arrive plus à dormir depuis des semaines... J’ai essayé d’en faire abstraction mais ça me hante. J'ai besoin de toi. Conseille-moi, s'il te plait. Penses-tu toi aussi que je sois contre nature, un - un monstre ? »
Front contre front. Minerva vient lui caresser la nuque. Elle est toute touchée de ce qu’il lui dit pour plusieurs raisons. La première est qu’elle comprend qu’en lui faisant une telle révélation, Albus lui fait comprendre qu’il a une énorme confiance en elle et cela lui fait infiniment plaisir. La deuxième est qu’elle se rend compte qu’Albus ne peut plus se contenir et qu’il est mal dans sa peau parce qu’il ne sait pas comment gérer cette nouvelle et le voir comme ça lui fait mal au cœur.
Elle contient ses mots Minerva parce qu’elle cherche les bons, pour le rassurer, pour ne pas le blesser aussi. C’est la dernière chose qu’elle veut faire.
« Tu n’es pas un monstre, Albus. Ne pense plus ça. » Facile à dire mais rien que dans sa voix, Minerva est prise par l’émotion. Albus n’est pas un monstre à ses yeux. « Ce que tu ressens pour les hommes, c’est normal. Tu n’es pas anormal et même si on essaie de te le faire croire, la société, ces lois stupides et abjectes, ce n’est pas le cas. »
Elle lui adresse un tendre sourire avant de déposer un baiser sur son front.
« Moi, je t’aime quand même et pour moi ça ne change rien. Tu es toujours mon Albus et je suis toujours ta Minerva. Je te soutiendrais quoiqu’il arrive. » souffle-t-elle.
Elle ne sait pas si ses mots l’apaisent mais elle l’espère du fond du cœur.