A la recherche (ft Albus)

Mars 1914. Une lumière âpre recouvre la Syrie. Étendue désertique qui se dérobe sous la silhouette d’un homme. Fraîchement transplané à l’Est, Albus Dumbledore s'apprête à faire son dernier voyage en tant que le briseur de sorts. Missive ministérielle pour renforcer la relation de la Grande-Bretagne avec l’orient. Un basilic frappe Belgrade de plein fouet. Le reptile, terrifiant, menaçant la population sorcière, la présence du gallois est requise. L’occasion se prête à s’allier à son mentor, Elvis Gaunt. Le collectionneur ignore encore sa venue. Une visite impromptue qui, il l’espère, ravira le digne descendant de Salazar Serpentard. Les ambres d’Albus dérivent sur une bâtisse esseulée parmi les dunes. Cobra apposé à la pierre rougeoyante, il agite le tremble et passe le portique de sa haute stature. Le lion se fait ombre de son maître jusqu'à ce qu’Orphée se retourne. Albus. Je n’ai pas eu le temps de te présenter mes félicitations pour ton nouveau post. Que fais-tu ici ? La commissure de ses lippes s’étire, demi sourire épanoui à l’odeur qui imprègne les lieux. Dumbledore approche le Gaunt dont il serre la pogne d’un geste filial. “Elvis.” Son regard pénétrant se darde sur son aîné. “En lisant le rapport d’Alaric, je me suis dit qu'un basilic t’intéresserait. C’est ma dernière pierre à l’édifice en tant que de briseur de sorts. Considère-le comme un cadeau de départ.” Il fait quelques pas à ses côtés. “Une nouvelle ère commence, et je souhaite que tu sois aux premières loges de la révolution.” Tromperie dont il le fait complice. Albus ne connaît Elvis que trop bien. Sa voix grave vient se loger au creux de son oreille. “Ton soutien compte beaucoup.” L’aveu quitte ses lèvres, sincère. “Je te demanderais conseil en temps venu, si tu le veux bien. Je te présenterai aussi au ministre.” Puisque tu es là, tu me montreras ta progression dans cette langue que je t’ai enseigné. Ne t’inquiète pas, en cas de problème je serai derrière toi. Un rictus nerveux s’échappe de sa bouche. Albus s’est essayé au fourchelangue, lorsqu’il était étudiant, à Poudlard. La compétence est complexe, et sa maîtrise encore hasardeuse. “Je crains de te décevoir, ceci dit je veux bien titiller le serpent à tes côtés.” Deux hommes à turban les rejoignent et ils s’enlisent dans les tréfonds de la demeure. Déjà, les murs vacillent et un sifflement sonore se fait entendre. “Un nom pour le bestiau ?”

L’astre solaire ébloui Dumbledore. Sous sa chaleur écrasante de la Syrie, le corps se meut non sans difficulté. Le sable écarlate se dérobe sous ses pas, et contraste avec la blancheur immaculée de sa carne. Les poumons suffoquent, puis reprennent de leur vigueur en pénétrant la bâtisse. Les paupières se ferment tandis que le briseur de sort se délecte de l'atmosphère glacée des lieux. Il serpente entre les murs de pierre et rejoint une silhouette familière. Elvis Gaunt est plus encore qu’un mentor. Il s’agit pour lui d’un père de fortune, qu’il ne connaît que trop bien pour ne pas l’inviter. L’affection que le gallois lui porte transcende toute raison. Dernier voyage, dernière quête qu’Albus appréhende en silence. A leur retour en terre des angles, un nouveau chapitre de son existence commencera, aux côtés de Gellert Grindelwald, bourreau pour lequel le myocarde brûle encore d’une passion interdite. D’ici là, il leur faut dompter et capturer une créature redoutée. Le souffle se perd ; basilic qui tourmente déjà son esprit embrumé. Salazar, répond l’anthropologue. Le nom lui arrache un rictus amusé. Les prunelles du digne descendant de Serpentard semblent cracher des flammes. Fascination perverse qui attise la curiosité du trentenaire. Un sifflement sourd retentit, les enveloppant en son sein et s'immisçant jusqu’au plus profond de leur âme. “Salazar chante pour toi, Elvis.” Commente-t-il, étirant davantage la commissure de ses lèvres. Oui j’ai entendu dire que d’autres choses se préparaient, j’écoute, et j’approuve. Une oeillade perçante s’échange entre les deux colosses. Ils se comprennent par cet échange. Deux frères au sang fondamentalement différent, unis à nouveau dans un stratagème insolent de tromperie. Malgré la manipulation dont il se fait maître, il y a une part de vérité dans les intentions du phénix. Il connaît l’obsession oblique du bulgare pour les reptiles et leur langage, et le collectionneur mérite un cadeau, au moins égal à ceux reçus de sa paume, au fil des âges. Amitié à double sens qu’il honore sans retenue. “Gellert et moi préparons la révolution depuis maintenant dix ans. Nous avons plus d’une surprise qui, je l'espère, te raviront. A commencer par l’esclavagisme des nés-moldus. Un simple amuse bouche.” Ses ambres dérivent du sorcier et s’attardent sur la voie qu’ils empruntent. Brandissant sa baguette, il écoute son vis-à-vis avec une attention mesurée. Le serpent se rapproche. Tu vois Albus… Plus je déterre les connaissances sur nos ancêtres mésopotamiens plus je me demande si nous n’avons pas régressé en tant que sorcier… Le cobra que nous avons vu nous ouvrira la voie. “Qu'a-t-on perdu ? Laisse-moi te l’apporter sur un plateau d'argent.” A ces mots, Dumbledore se tait. J’aurai certainement besoin de ton aide mais je ne tiens pas non plus à te voir périr. Les basilics sont des créatures hautaines et meurtrières envers ceux qu’elle ne considère pas. Il serait dommage que son venin t’atteigne. Défi lancé. D’un coup de tremble, la soupape qui recouvre les canalisations s’ouvre. L’odeur est nauséabonde laisse Albus interdit un moment. Puis, il siffle dans la langue que lui a appris Elvis Gaunt : “Danse pour moi, serpent.”

Un éclat particulier luit au fond de sa rétine. Enthousiasme partagé entre les deux sorciers qui lui arrache un sourire carnassier. C’est pour ca qu’il est venu jusqu’ici. L’euphorie qui s’empare de son mentor l’enchante. Il le connaît trop bien pour résister à l’impulsion de lui apporter ce qu’il désire plus que tout. Une occasion rêvée pour arracher un monstre à l’Orient, et assouvir les fantasmes reptiliens du Gaunt. Dans la confidence, le lion se confie à lui courageusement, lui faisant part des projets obscurs de la confédération sorcière. La réponse de l’irlandais est sans appel : Au moins serviront-ils maintenant à quelque chose. Un peuple inférieur doit être maîtrisé par les autorités gouvernementales, je suis ravi de cette nouvelle Albus. Avez-vous encore d’autres plans ? J’espère que ce n’est là que le commencement d’autres réformes. A ces mots, les lippes du jeune Dumbledore se fendent à nouveau en une demie lune. Réaction forcée qu’il soutient sans retenue. C’est ici que commence la mascarade la plus habile et tumultueuse de son existence d’occlumens. Si l’amour rend aveugle, le voilà guéri. “Le meurtre des Zabini a été un choc pour nous tous.” Souffle-t-il. “N’aies crainte, Elvis. Nous sommes à l’aube d’un nouvel ordre de la sorcellerie.” Les syllabes lui claquent la langue. Il ignore tout des véritables vices de son aîné. Des centaines de victimes et de hurlements étouffés au bout de sa baguette.

Ils font quelques pas ensemble et se déplacent jusqu'à un robinet rouillé, surement plus âgé qu’il ne l’est lui-même. Les ossements qui les entourent signalent le danger, épais comme une dalle. Albus s’en enivre près de lui, le myocarde vibrant au rythme des sifflements sonores de la bête. Nous aurions dû attendre le cobra. Albus tu es très impatient parfois. Le jugement du maître retentit en son crâne comme une sirène folle. “Penses-tu seulement qu'un cobra puisse le mater ?” Le questionne-t-il en réponse. Des scènes de chasse se dévoilent sur les murs illuminés, fresques fascinantes de leurs ancêtres. Le briseur de sort s’égare dans l’admiration des peintures antiques. “Nous serions donc le fruit du démon ?” Murmure-t-il, fasciné par les théories de l'anthropologue. “L'Histoire de la magie théorique semble aussi indiquer un pacte à Seth et Horus.” Homosexualité déictique qui le laisse rêveur. Je suis déjà venu plusieurs fois en ce lieu, mais le basilic qui s’y cache doit être blessé ou enceinte. Je parierai sur une femelle, ce n’est pas le lieu approprié pour le dieu des serpents. Albus observe le fleuve nauséabond qui s’étend face à eux. Il brandit le tremble : “Le Styx. Elle est ici.” Les profondeurs aquatiques ondulent brusquement et la créature, tant attendue, s’en extirpe brutalement.

Albus doit tant au sorcier, qui l’a pris sous son aile après une rencontre à l’étranger. Fourchelang enseigné lui aussi au jeune Dumbledore par Elvis, le phénix est un disciple inattendu de l'héritier de Salazar. C’est l’appel du pouvoir et leur amour partagé pour la magie qui les a réunis, et leur amitié, faisant d’eux deux colosses du monde magique, unis pour ré-écrire l’histoire de l’humanité de bien des façons. L'anthropologue ignore les véritables motivations du futur directeur, qui se rapproche dangereusement du ministère et de son premier amour. Entraînés tous deux dans un jeu d’échec brutal et infernal qui ne saurait tarder à être dévoilé. Le gallois bouge ses pions dans l’obscurité, et profite d’une dernière partie sans conséquences auprès de celui qu’il considère encore ce jour comme un maître de pensée. D’une certaine manière. Ils s'entraînent tous deux dans les entrailles de la bâtisse syrienne, se rapprochant du serpent légendaire. S’il ne dit rien, Albus est pris d’une peur qu’il a rarement connue avant ce jour, de celles qui vous marque à vie. Le basilic n’est pas qu’un vulgaire animal, c’est un des prédateurs les plus redoutés du globe. Une bestiole pernicieuse et abrupte, capable de vous éclater le crâne d’un simple coup de croc. Un poison.

Elvis lui intime de rester immobile et son jeune protégé s'exécute sans protester. Le chant du serpent caresse ses oreilles, provoquant en lui un frisson. Que vous êtes belle. La moue pincée, il ne peut sourire. Pas ici. Pas en cet instant. Il s’adresse à elle, sifflant et chantant, tandis qu’Albus se munit de sa baguette, menaçant de lancer un sort au moindre faux mouvement. Elle se précipite alors vers eux, sa gueule prête à attaquer. Dumbledore fait tournoyer le tremble entre ses phalanges et l’eau s’extirpe des tréfonds du lac souterrain, immense. Pris dans l’oeil de la tempête, l’animal est confus et encerclé. Tourbillonnant autour du basilic, il est emprisonné par le sortilège audacieux, appris non loin d’ici au cours d’une de ses nombreuses missions en Orient. Le rugissement de la bête lui glace le sang. Elle menace de de libérer des eaux. “Elvis !” Crie-t-il.