we're destined to demise (amadeus)

Cette nuit de juillet est chaude, presque difficile à supporter. Entortillée dans ses draps légers, Roisin est parvenue à trouver le sommeil – duquel elle vient d'être brutalement tirée. Réveillée par un bruit provenant du rez-de-chaussée, ses sens sont aux aguets malgré la fatigue. Coeur battant, gorge nouée sous la surprise, elle se redresse et attend. Quelque chose tombe ; l'éclat d'un verre s'écrasant sur le plancher en une pluie de petits morceaux lui parvient. Forte d'une bravoure qui la connait, mais qu'elle dénigre gentiment depuis que sa baguette a été bridée de la moitié de ses pouvoirs, Roisin s'arrache de son lit et s'empare de cette dernière. Prudemment, elle ouvre la porte de sa petite chambre de bonne et, précieusement, descend les escaliers. Le bois grince ici et là sous son poids. Ses longs cheveux châtains encadrent un visage fatigué, ses yeux s'habituant peu à peu à l'obscurité environnante.

« A-Amadeus ? » Sa voix n'est plus qu'un doux murmure, tandis que ses doigts sont fermement accrochés à sa baguette dont elle maudit l'inutilité. Coeur battant à l'en faire frémir, elle glisse un œil inquiet dans le salon ; la née-moldue reconnaît la silhouette massive de l'homme qu'elle sert, et sent ses bras se couvrir de chair de poule en l'entendant gémir. Gémissement qui s'apparente à un grognement, dont elle reconnaît toutefois les prémices de la douleur. « Oh non, non, non » L'effroi naît enfin et grandit en Roisin qui, sans attendre, s'introduit à toute vitesse dans le salon toujours plongé dans la pénombre, faiblement éclairé par les reflets de la lune.

En cet instant, son instinct parle – elle en oublie la bienséance, ou la retenue dont elle est supposée faire preuve. La baguette tombe sur le sol en un bruit mat, et roule sous le canapé. Pauvre affolée dont la respiration se fait brûlante, ses doigts libres s'accrochent au corps d'Amadeus, qu'elle s'efforce de soutenir. Roisin manque de force et sent l'homme lui glisser d'entre les bras, ses mains s'agrippant à tout ce qu'elles peuvent atteindre ; mais lorsqu'Amadeus heurte le sol, Roisin épouse ses mouvements et, à genoux auprès de lui, le contemple de ses yeux écarquillés. « Amadeus ? » demande-t-elle d'une voix frémissante, s'accrochant aux syllabes de ce nom avec ferveur. Délicatement, ses doigts se perdent sur la chemise du sorcier, narguant son ventre qu'elle révèle en tirant délicatement sur le tissu qui le couvre. La blancheur du vêtement est tâchée d'une matière sombre, épaisse, dont elle reconnaît l'odeur à la fois douceâtre et écœurante. Le sang lui macule les doigts. Son estomac se soulève mais la née-moldue réprime la nausée qui la fait trembler. Délicate peau fendue, elle qui la croyait si robuste, dont s'écoule le précieux liquide carmin qu'il cherche à tout prix à conserver.

Sans poser de question, Roisin se relève, enjambe le corps d'Amadeus et tombe à genoux devant l'un des cabinets duquel elle en retire une potion de soin. A quatre pattes, elle rejoint Amadeus, et le force à se redresser. A genoux derrière le dos de l'homme, un bras qu'elle passe en travers de son torse afin de le contrôler, elle arrache le bouchon en liège de ses dents. Détourne la tête, et le crache. « Tout va bien se passer... mais tu vas avoir mal. » le prévient-elle en rafermissant sa prise, ses doigts s'enroulant autour de la chemise nacrée fardée de rouge. Son autre main suspend la bouteille au-dessus de la blessure, et ne tremble plus. Le liquide tombe en cascade sur la plaie béante qui commence à ciseler, chairs qui brûlent sous l'efficacité de la potion. Une fois que la bouteille est vide, Roisin passe son autre bras en travers du torse d'Amadeus, conjuguant toutes ses forces afin de le maintenir en place sous un douleur qui, elle l'imagine, doit être pire que la mort.

Dans ses bras, sous ses mains, serré contre son corps – elle le sent qui s'agite. Et dans cette torpeur, Roisin en a oublié d'être fâchée. En a oublié d'être blessée. Meurtrie. Agacée. En a oublié de taquiner les abords de l'impolitesse. A oublié ce rôle qu'elle avait adopté en se mettant au service d'Amadeus. Maintenir le masque n'est plus sa priorité à ce moment précis ; elle le ressent, dans les palpitations qui parcourent ses veines et font rebondir son cœur en une cadence presque intolérable. Menton calé contre l'arrière du crâne d'Amadeus, bras crispés afin de le maintenir en place tandis que la potion fait son effet, les larmes roulent le long de ses joues. It's going to be alright - you're safe, you're safe, you're safe. Qu'elle lui murmure inlassablement, comme incapable de s'arrêter, emprisonnée dans une terreur que seule sa propre voix, bien que brisée, peut calmer.