London Noire (Alternatif débile, ouvert)

Detective Templer claquait la portière de sa voiture derrière lui. Blanche et jaune fluo, elle était bien trop colorée pour une journée aussi sombre. Il détestait les voitures de police de Londres. Il détestait Londres, il détestait la casquette à carreau noire et blanche qu’il passait sur sa tête pour se protéger de la pluie, et il détestait la pluie.
D’un pas décidé, il approchait de la tente blanche dressée devant le lieu du crime. « Identification.
- Je peux au moins m’abriter de la pluie ? demanda Simon.
- Non, il me faut un badge, » insistait le stagiaire sous la tente, avec toute l’arrogance de quelqu’un de parfaitement sec.
Simon fini par rentrer, et on le briefa sur ce qu’il était venu inspecter. Ce matin entre dix heures et dix heures trente, une bijouterie avait été braquée, et l’opération avait dégénéré : deux morts.

C’était encore un coup de ces sales sorciers, Simon en était convaincu.

Il entra alors dans la boutique. Aucune trace d’effraction sur la porte, elle avait été ouverte par magie. Les vitrines qui servaient à protéger les précieux bijoux n’avaient pas été fracturées elles non plus, et pourtant le trésor qui devait s’y trouver n’y était plus. On pouvait encore voir l’empreinte des bagues, des colliers et des boucles d’oreilles sur les délicats coussins de velours dans les présentoirs. C’était un drôle de sortilège qu’avait utilisée cette vermine sorcière…
La police scientifique devait arriver pour recueillir le peu d’indices que les sorciers auraient pu laisser derrière eux, sur les vitres. Cheveux, empreintes, ectoplasme en tout genre, Simon espérait que rien n’échapperait à l’enquête.

Les deux victimes du braquage gisaient devant lui. Des moldues de naissance moyenne, à en juger par leurs emplois de vendeuses en bijouterie. Sur leurs visages on pouvait encore lire la terreur qui les avait habité lors de leurs derniers instants. Leurs corps baignaient dans leur propre sang, qui imbibait l’épaisse moquette rouge délavée. Il ne suffisait que d’un regard pour deviner la cause de leur mort prématurée. Les plaies ressemblaient à s’y méprendre à des blessures par balles, mais c’était presque trop ressemblant pour être vrai. Il se pencha sur les corps, et d’une main gantée souleva les chemisiers blancs imbibés de sang pour observer la chair meurtrie en dessous. Plaie d’entrée circulaire de quelques centimètres de diamètre. Impressionnant pour de la vermine sorcière, d’autant plus quand l’on savait que les sortilèges de mort instantanée ne laissaient jamais de plaie visible.

« Detective Templer ! l’interpella une petite voix fluette. Nous avons les images de vidéosurveillance.
-Qu’y voit-on ?
-Deux hommes sont entrés, cagoulés et tout en noir, armés de pistolets moldus, Détective. Ils ont braqué les deux vendeuses ici, et elles ont coopéré. Ce sont elles qui ont pris les bijoux des présentoirs pour les leur donner. Et quand ils sont partis ils les ont abattu, d’une balle chacune. C’est très clair sur les images, Détective.
-Comment sont-ils entrés dans la boutique ?
-Il était dix heures du matin, Capitaine, la boutique était ouverte. »

Détective Templer réflechissait, il tripotait sa moustache d’une main gantée pleine de sang. « Ces sorciers sont vraiment très doués, ils ont retouché les images de vidéosurveillance.
-C’est impossible, Détective, la magie n’affecte pas les objets électron-…
-Vraiment très très doués… »

Simon détestait les sorciers. Il n’était plus le même depuis qu’une sorcière l'avait forcé à dépenser tout son héritage dans des jeux d’argent. Il s’en souvenait comme si c’était hier. Sa boule de cristal, ses ongles longs et ses énormes boucles d’oreille. L’odeur d’encens et la faible musique d’ambiance qui couvrait à peine les cris de la fête foraine qui se tenait à l’extérieur. Elle lui avait prédit un avenir radieux, plein de réussite. Naturellement, Simon avait alors dépensé tout l’héritage de ses parents dans des tiquets pour l'Euromillion. Aucun de ces milliers de tiquets ne fut gagnant. Ce fut ce triste jour que Simon réalisa enfin à quel point la minorité sorcière n’était qu’une vermine qu’il fallait exterminer. Son désir de vengeance était non seulement personnel, il était surtout irrationnel.

Et en cette sombre journée, la vermine sorcière avait réussi à rentrer par effraction dans cette boutique en pleine journée, sans se faire repérer. Elle avait réussi à extraire les bijoux de leurs présentoirs sans rien endommager, avait tué leurs deux victimes en faisant croire à des tirs d’armes à feu, et avait pu manipuler ce que la caméra de surveillance avait filmé. Simon n’avait pas à faire à des sorciers comme les autres, il en était persuadé.

« Nous avons des témoins ? Je veux les interroger.
-Oui détective, ils sont dehors, dans la tente. »

Simon s’y dirigea alors, non pas sans marcher dans la flaque de sang qui imbibait la moquette. Il laissait alors des empreintes poisseuses derrière lui, jusqu’à la tente. Il y avait toute une ribambelle de témoins à examiner. Le protocole exigeait qu’il s’isole avec chacun d’entre eux et les interroge uns par uns, mais le détective n’avait pas de temps à perdre avec tout ça. Il les interrogerait tous à la fois.

« Je vous écoute, qu’est-ce que vous pensez avoir vu ? »

HRP: